Retour sur la séance de l’assemblée départementale qui a vu les élus des Yvelines et des Hauts-de-Seine demander au Gouvernement leur regroupement.
Le discours de politique générale du Premier ministre, Édouard Philippe, a pris une résonance particulière dans les Yvelines et les Hauts-de-Seine. Alors que les conseillers départementaux des deux départements de l’ouest francilien ont adopté vendredi 30 juin 2017 une délibération qui demande au Gouvernement leur regroupement, le Premier ministre a annoncé, mardi 4 juillet devant l’Assemblée nationale qu’il faciliterait « les libertés locales » en encourageant la « création de communes nouvelles » et « le regroupement des départements ».
S’il est bien sûr trop tôt pour présager la réponse du Gouvernement à la demande historique des élus des Yvelines et des Hauts-de-Seine, on peut tout de même y voir un signe positif.
J’ai confiance en Édouard Philippe, longtemps élu au débouché de cet axe Seine qui relie Paris au Havre, et qui sait mieux que d’autres l’interdépendance spatiale et économique des collectivités, » a déclaré Pierre Bédier vendredi 30 juin lors du débat de l’assemblée départementale.
A cette occasion, sur les 41 élus présents ou représentés (sur 42), 9 conseillers départementaux ont pris la parole après la lecture du rapport de la délibération effectuée par Marie-Célie Guillaume. Si deux d’entre eux – Yves Vandewalle et Christine Boutin – ont voté contre, ils sont 39 à s’être prononcé favorablement. Retour sur le contenu d’un débat qui a permis de développer les raisons de ce regroupement.
- Le discours du Président du Conseil départemental des Yvelines :
Pierre Bédier : « Rien d’important ne se passera chez nous si nous n’en prenons l’initiative »
« Notre démarche est exemplaire. Elle n’a pour équivalent que celle entreprise par Lyon et son Département. Sa modernité est d’être un projet d’organisation territoriale porté par des élus de terrain, capables de dépasser leur esprit de clocher et non, comme c’est trop souvent le cas, d’être imposé par un État qui, faute d’être capable de se réformer, aime imposer aux autres les réformes qu’il conçoit.
Depuis dix-huit mois, nous avons fait beaucoup pour développer nos coopérations interdépartementales. L’Établissement public interdépartemental a montré la pertinence des regroupements de services, des projets partagés, de la mutualisation de moyens, dont il a été le réceptacle.
L’Ouest parisien a été de tout temps délaissé par le pouvoir national. Déjà, en 1964, lorsque fut conçue la réforme de la région parisienne qui a donné naissance à notre département, l’un des objectifs était de compenser la faiblesse des investissements nationaux à l’Ouest de Paris. Et pour ceux qui douteraient de l’actualité de ce problème, je les invite à regarder une carte du projet de Grand Paris ferroviaire : nous en sommes les laissés pour compte. Je les invite à regarder les volets d’enseignement supérieur et de recherche des dernières générations de contrats de plan : il n’y a rien ou presque rien pour nous.
Rien d’important en matière d’attractivité du territoire ne se passera chez nous si nous n’en prenons l’initiative, au mieux sans qu’une lourde contribution financière nous soit imposée.
Ensemble, nous aurons la possibilité de promouvoir une ambition territoriale, de développer une stratégie commune en matière de logements et d’accueil des entreprises, en matière de transports, depuis les grands projets jusqu’à cette gestion des derniers kilomètres si importante lorsqu’il faut répondre aux besoins d’un vaste territoire. Ensemble, nous pourrons soutenir nos universités et nos écoles d’excellence, les centres de recherche et d’innovation, qui sont une de nos forces communes.
Bien entendu, notre collectivité sera demain plus urbaine qu’aujourd’hui mais adjoindre au dynamisme de Vélizy et de Saint-Quentin-en-Yvelines, l’attractivité de la Défense, premier centre d’affaires européen, de Boulogne-Billancourt, d’Issy-les-Moulineaux, ne vaut-il pas la chandelle ? Demain, nos zones rurales, nos zones urbaines difficiles, auront, pour soutenir leur développement équilibré, une collectivité départementale bien plus puissante que celle dont nous disposons.
La métropole capitale, nous la voulons, elle aussi, puissante, ambitieuse et cohérente. Et nous voulons y appartenir dès lors que les conditions en seront réunies. Cette métropole ne doit pas être restreinte au cœur urbanisé que constituent Paris et les trois départements de petite couronne.
J’ai confiance dans Gérard Colomb, qui a montré à Lyon qu’un projet défini et porté par les collectivités elles-mêmes et adapté à leur réalité, valait mieux qu’une réforme descendante.
J’ai confiance en Édouard Philippe, longtemps élu au débouché de cet axe Seine qui relie Paris au Havre et qui sait mieux que d’autres l’interdépendance spatiale et économique des collectivités.
J’ai confiance, enfin, dans le jugement du Président de la République et dans sa capacité à reconnaitre combien il aura besoin, dans son entreprise de redressement économique, de l’énergie des collectivités locales que trop souvent notre vieux pays centralisateur néglige. »
- Le contenu de la délibération adoptée vendredi 30 juin :
Le rapport de Marie-Célie Guillaume : une lettre signée par 38 conseillers départementaux
La Vice-présidente du Conseil départemental déléguée à l’interdépartementalité est d’abord revenue sur le rapprochement opéré avec les Hauts-de-Seine depuis deux ans, et sur le code des collectivités territoriales qui permet de demander le regroupement des départements au Gouvernement. Elle a ensuite lu le courrier signé par 38 conseillers et adressé au Président du Conseil départemental. Extraits :
Le regroupement « offrirait des perspectives renforcées d’attractivité, de croissance et de création d’emploi dans le cadre de l’aménagement du territoire équilibré dont nos deux collectivités ont fait le choix. »
« Il s’inscrit pleinement au service, et dans la perspective de la constitution d’une métropole capitale puissante et équilibrée » dont les élus yvelinois sont convaincus qu’elle doit s’élargir à la grande couronne pour « ne former qu’une seule entité » avec la Région Ile-de-France, dont les compétences pourraient se concentrer sur « l’aménagement stratégique et l’attractivité économique ».
« Le regroupement de nos départements serait cohérent avec l’objectif du Gouvernement de diminuer le nombre de départements sans pour autant les supprimer, afin de garantir un service de proximité dans des domaines aussi essentiels que l’éducation ou la solidarité territoriale. » Une fois unifié, le nouveau Département constituerait « un moteur puissant de développement pour la région-métropole du Grand Paris. »
« Il s’agit de prendre notre avenir en main » en démontrant qu’il est possible « d’accroître le dynamisme de nos territoires » tout en réalisant « des économies d’échelle » dans un contexte budgétaire compliqué, entre autres, par la baisse des dotations de l’État, et un contexte historiquement « défavorable à l’ouest francilien ».
- Les commentaires d’après séance en vidéo :
- Le débat de l’assemblée départementale
Les interventions des conseillers départementaux :
Jean-François Raynal : « En 2014, l’État nous a imposé les regroupements de communes parce que nous étions un peu en retard, comme d’autres départements en Ile-de-France. Aujourd’hui, la loi nous permet de nous emparer de notre avenir. Il vaut mieux monter sur le rouleau compresseur de la métropole que de le voir arriver vers nous. Nous avons tout intérêt à donner à cette capitale métropole la plus grande harmonie de territoire. Il y a une certaine nostalgie à voir, peut-être, le nom des Yvelines disparaître. Il y a 50 ans, c’était la Seine-et-Oise. Ce n’est donc pas une révolution… »
Laurent Brosse : « Le défi le plus important, c’est celui du service rendu aux administrés. La fusion ne s’opérera pas dès demain. En attendant la réponse du Gouvernement, nous devons offrir à nos administrés la garantie d’un service au moins équivalent à celui que nous offrons aujourd’hui. »
Karl Olive : « On pourrait fermer les yeux sur la baisse des dotations de l’État, la hausse des péréquations, cette prime aux mauvais élèves, ou celle des dépenses de solidarité… Qui va trinquer ? C’est nous. En prenant notre destin en main, nous restons acteur de notre vie et surement pas spectateur de celle des autres. »
Christine Boutin : « Les conséquences de cette fusion seront importantes pour les habitants et je pense que nous aurions du les consulter. J’ai apprécié le plan que vous avez annoncé pour la ruralité. C’est la première fois que j’entends parler de la ruralité avec autant de sérieux. Il aurait pu me faire changer d’avis mais il est trop tard pour que j’explique cette position aux habitants. »
Joséphine Kollmannsberger : « Nous travaillons avec les Hauts-de-Seine depuis 18 mois et les voyants sont au vert. J’entends les craintes, les angoisses et les incompréhensions… J’entends aussi : équilibre, force, identité, proximité, mutualisation, économie, enjeu et dynamisme. Cette proposition va dans le sens d’un développement territorial (à l’ouest de Paris) qui, jusqu’à présent, ressemblait à un grand marasme. »
Yves Vandewalle : « Il y a une logique territoriale le long de la Vallée de la Seine. Mais l’avenir de Versailles Grand Parc et de Saint-Quentin-en-Yvelines se joue plutôt avec l’OIN de Paris-Saclay, c’est à dire avec l’Essonne. Faut-il aussi se marier avec ce département ? On peut se poser légitimement la question… C’est une opération politique pour éviter au Département des Hauts-de-Seine d’être incorporé de force dans la métropole du Grand Paris. Je préfère que nous restions les maîtres de notre destin. »
Bertrand Coquard : « Il faut du courage pour prendre cette décision, c’est ce que nos électeurs attendent de nous. C’est une décision pour le bien collectif, pour ne pas subir les risques de la métropole. »
Georges Bénizé : « Je me souviens des craintes des maires des petites communes lorsque nous avons intégré Rambouillet Territoires. Je suis heureux des services dont nous bénéficions aujourd’hui grâce à la communauté de communes. C’est pourquoi je vote cette délibération. »
Le débat complet à écouter :
Le rapport de la délibération (Marie-Célie Guillaume), les interventions des conseillers départementaux : Yves Vandewalle, Claire Chagnaud-Forain, Laurent Brosse, Karl Olive, Christine Boutin, Joséphine Kollmannsberger, Jean-François Raynal, Bertrand Coquard, Georges Bénizé), et le discours de Pierre Bédier :