La rivière du Roi Soleil

Sandrine GAYET

Cet article fait partie du dossier: L’eau dans les Yvelines : toute une histoire !

Les Yvelines se sont construites au fil des méandres de leurs cours d’eau. Depuis le 17e siècle, notre territoire n’a cessé d’innover dans ce domaine, avec, en point d’orgue, le système hydraulique qui alimente le Château de Versailles. Chaque année, entre juin et septembre vous pouvez assister aux Grandes eaux nocturnes, féeriques, et jusque fin octobre aux Grandes eaux musicales. Mais d’où vient l’eau ?

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Chaque année, des dizaines de milliers de visiteurs affluent à Versailles pour assister au féerique spectacle des grandes eaux du château. Le site, exceptionnel, regorge de points d’eau remarquables : 47 bassins, 55 fontaines et quelque 600 jets d’eau qui émerveillent petits et grands.

Dès la création des jardins, la question de l’approvisionnement en eau est un casse-tête : le palais est bâti sur un terrain marécageux, loin de toute rivière ou fleuve et à plus de 100 mètres au-dessus de la Seine, distante de plusieurs kilomètresAlors, d’où vient l’eau ?

Naissance de la rivière « royale »

Au 17ème siècle, les connaissances en hydraulique sont encore assez minces mais vont se perfectionner de façon remarquable, grâce aux ambitions du roi Soleil. En 1666, il ordonne la création d’un chef d’œuvre hydraulique afin de pouvoir alimenter toutes les fontaines du domaine, avec en point d’orgue, les jeux d’eau qui devaient éblouir la Cour et les ambassadeurs.
Dès 1668 et jusqu’en 1674, tout fut mis en œuvre pour combler le roi. De grands travaux sont menés pour canaliser l’eau de la Bièvre à Versailles. Après son relèvement, trois systèmes sont réalisés : la remontée des eaux de la Seine, la mise en réseau du plateau de Saclay et celle du plateau de Rambouillet.

Le projet sur la Loire…tombe à l’eau

Parmi ces projets gigantesques, le détournement des eaux de la Loire fut un temps, envisagé. Colbert en confie l’étude de faisabilité à l’Abbé Jean Picard qui est alors le plus grand astronome de son temps et surtout, l’inventeur de la topographie moderne grâce à son niveau de précision à lunette. Après maintes études, l’Abbé Picard rend ses conclusions : le niveau de la Loire étant plus bas que celui de Versailles, le projet est infaisable.

Drainage de Rambouillet

L’abbé Picard poursuit ses recherches. Il entreprend des relevés sur le plateau de Trappes, en direction de Rambouillet et imagine la création d’un réseau de drainage dont les eaux devaient s’écouler par gravité vers le parc du château de Versailles.
En 1677, ce projet est adopté et Vauban fait drainer tout le plateau en pente douce jusqu’à Rambouillet avec dix étangs (de l’étang de la Tour à l’étang de Trappes), 104 kilomètres de rigoles dont la fameuse « rivière royale » sur 34 km, tout ce système ingénieux acheminant les eaux jusqu’à Versailles. Ce réseau gravitaire, dit des étangs « supérieurs », alimentait les réservoirs de Montbauron et ainsi les plus hautes fontaines du parc du roi Soleil.

La Machine de Marly par Pierre-Denis Martin, 1723.

La Machine de Marly par Pierre-Denis Martin, 1723.

Coup de génie : La machine de Marly

L’idée de pomper l’eau de la Seine a donc fait son chemin. Mais la distance du fleuve, à 10 km de Versailles, et surtout le dénivelé de 142 mètres, exigent la conception d’une machine monumentale. C’est le projet de l’hydraulicien belge Arnold de Ville, qui est retenu : la pompe de Marly.

A partir de 1681, il construit, avec l’aide du charpentier Rennequin Sualem, la fameuse machine « infernale » de Marly. Elle est composée de 14 grandes roues dentées de 12 mètres de diamètre. Elles actionnent des mécanismes qui mettent en branle les pompes qui puisent l’eau de la Seine et la remontent dans des réservoirs.

Tringles, bielles et pompes alimentent l’aqueduc de Marly. Près de 257 pompes sont nécessaires pour faire remonter l’eau jusqu’à l’aqueduc, soit quelque 163 mètres au-dessus du niveau du fleuve.

La machine de Marly attire les foules. Une fois parvenue à Marly, il faut encore acheminer l’eau jusqu’à Versailles. Jules Hardouin Mansart, architecte de la Galerie des Glaces et des Grandes écuries royales, construit l’aqueduc de Louveciennes. Long de 640 mètres, il est bâti en même temps que la machine de Marly. Pour récupérer l’eau du plateau de Saclay, un autre aqueduc est dressé, celui de Buc (long de 580 mètres et encore en bon état), qui permet de conduire l’eau par gravité jusqu’à Versailles.

Cet aqueduc de Buc est mis hors service en 1950 et celui de Trappes est en partie détruit vers 1977. Aujourd’hui, Les eaux du parc de Versailles fonctionnent en circuit fermé : une pompe électrique puise l’eau du Grand Canal et réalimente les réservoirs.