Violences contre les femmes : le 3919 « est débordé »

SandrineGAYET

Il y a un an était lancé le mouvement #MeToo qui libérait la parole des femmes victimes de violences. Depuis, le 3919, numéro d’écoute national est débordé.

Y-a-t-il aujourd’hui plus de violence ou plus de plaintes déposées? Nul ne peut le dire. Mais il est certain que les affaires « DSK » puis « Weinstein » ont libéré la parole. Et Marielle Savina, déléguée départementale aux droits des femmes à la Préfecture des Yvelines observe qu’après chaque affaire, film ou article traitant des violences contre les femmes, les appels au 3919 se multiplient. Un an après le lancement du mouvement #MeToo, la plateforme du 3919 voit le nombre d’appels exploser. Au point de devoir y créer de nouveaux postes à temps plein. « Ce mouvement a permis à 71% de femmes victimes de témoigner » explique la Fondation des femmes qui vient de publier une enquête réalisée avec le magazine Femme Actuelle, menée auprès de 1169 femmes victimes de violence.

Des chiffres en croissance

Les chiffres sont glaçants : une femme, en France, meurt tous les 3 jours sous les coups du mari ou d’un ex conjoint ; 123 femmes tuées, 225 000 victimes déclarées, 70% des violences sont le fait du partenaire… et 4 victimes sur 5 ne portent pas plainte, parce qu’elles ont honte et/ou qu’elles ont peur ! Les statistiques pour 2018 font frémir, les chiffres sont à la hausse.

« Il m’a juré que ça n’arriverait plus »

Ça commence crescendo. Par une remarque insidieuse pour une futilité. Puis des réflexions humiliantes et dégradantes. Les insultes et menaces fusent et survient le premier coup. La violence s’installe alors dans le huis clos familial. Les périodes d’explosions de violence s’enchaînent, entrecoupées de périodes dites de « lune de miel ». La femme est sous emprise. L’habitude du processus anesthésie la victime en état de sidération, la peur la paralyse. Chaque jour, Nina (prénom modifié), silhouette frêle, effacée, se préparait à recevoir des coups. Pour un steak trop cuit, une chemise mal pliée, un jouet qui traînait… « Quand arrivait l’heure de son retour, je me voûtais, prête à encaisser». Son calvaire a duré huit ans, l’habitude de cette violence ayant agi sur elle comme un puissant soporifique. « Je comptais sur la vie pour me débarrasser de lui car j’étais incapable d’agir » dit-elle dans un souffle.
Pour Yeleen (prénom modifié), l’enfer a commencé au début de sa deuxième grossesse. « Ce n’était plus le même homme. Il entrait dans une rage folle, me rouait de coups. J’étais terrorisée mais je ne savais pas quoi faire. Puis il me jurait de ne plus recommencer… le répit durait 3 semaines. Sans ma fille, j’aurais fini par sauter dans le vide». C’est au cours d’une visite prénatale que son cas a été signalé par la sage-femme. Pour Yeleen le chemin vers la reconstruction est encore long. Elle a perdu son bébé et un œil. « Mais je suis sortie de cette guerre en vie avec ma petite fille ! »…

Franchir le pas, inverser la culpabilité

Les violences conjugales concernent toutes les femmes, de tous les milieux. Leur impact sur les enfants est traumatique. Et pourtant, fuir reste difficile pour la plupart, ce qui provoque généralement une grande incompréhension dans l’entourage. Toutes les victimes de violences disent en effet avoir été confrontées à la même question à un moment ou un autre : « Pourquoi restes-tu encore avec lui ? » quand la victime est parvenue à s’ouvrir à quelqu’un ou « Pourquoi ne nous as-tu rien dit ? » quand elle n’a jamais osé briser le silence.

Pour la psychiatre Muriel Salmona, les victimes sont sous une telle emprise psychologique, qu’elles endossent la culpabilité de la situation :

Pour se protéger, le cerveau fait disjoncter la réaction émotionnelle. Les victimes sont comme anesthésiées, ne ressentent plus rien. Et quand le couple est en phase « lune de miel », le mari violent parvient encore à inverser la culpabilité. La victime perd alors toute lucidité et pense que c’est elle qui agit mal, aime mal et qu’il a raison.

C’est pour cela qu’il faut du temps avant qu’une victime ose s’enfuir. Cela peut prendre des années. Les spécialistes observent qu’il y a en moyenne 7 allers-retours avant qu’une femme parvienne à quitter définitivement le partenaire violent. Et à porter plainte !

Le Département organise un colloque le 20 novembre

Le 20 novembre, le Département organise avec la ville des Mureaux, le CCAS et la préfecture, un colloque dont le thème portera sur les violences intrafamiliales, « Mieux comprendre pour mieux agir ». Cette journée se déroulera à l’Espace des Habitants, avenue de la République aux Mureaux. La matinée sera consacrée aux prises de parole des spécialistes. L’après-midi à du théâtre interactif et aux échanges avec la salle. Inscriptions : colloque.vif@gmail.com

Quelques lieux d’accueil des victimes dans les Yvelines

L’Etincelle (Tél. 01 30 48 40 00 ou 06 10 407 407) est un accueil de jour départemental pour les femmes victimes de violences. Il est situé dans les locaux du CHRS L’Equinoxe. Ouvert sans interruption du lundi au vendredi, l’accès y est libre, confidentiel et gratuit. Les victimes sont accueillies, écoutées et prises en charge (pour s’inscrire dans un parcours d’émancipation et de résilience). Son dispositif de mise en sécurité permet d’agir vite pour les femmes en danger accompagnées de leurs enfants.

Association La DIRE (à Trappes :  Tél. : 01 30 44 19 87) ; accueil, accompagnement, aide psychologique, conseils juridiques.

L’Association Women Safe (Saint-Germain-en-Laye : Institut en santé génésique ; Tél. 01 39 10 85 35) a déjà accompagné près de 2000 victimes de violences conjugales et enfants témoins de violences. Elle donne près de 100 consultations par semaine.
Composez le 3919
Si vous subissez des violences conjugales ou que vous pensez qu’une femme de votre entourage en est victime, composez le 3919. Il s’agit d’un numéro d’écoute national anonyme : votre appel restera confidentiel.