Elodie Hinnekens nous reçoit à l’Université Paris-Saclay où elle se sent comme chez elle. La jeune femme devient lauréate du prix Jeunes Talents L’Oréal-UNESCO. Encore surprise et émue, elle nous raconte son parcours de chercheuse. Rencontre.
« Lève-toi et marche »
Jeune élève au collège Pierre de Coubertin de Chevreuse, rien ne prédestinait Elodie Hinnekens à devenir chercheuse. Après le bac, elle se dirige vers des études de kinésithérapie. Elodie exercera ensuite dans un cabinet libéral. Durant ses années étudiantes, c’est une rencontre avec sa professeure (qui deviendra sa directrice de thèse), Caroline Teulier, qui sera le déclic. La jeune femme se passionne pour les neurosciences et le corps humain. Elle travaille alors sur le développement de la marche chez les bébés et sur les mouvements qu’ils sont capables de faire avant de savoir marcher. Tout un programme.
Cependant, la jeune chercheuse de 28 ans ne passe pas ses journées en blouse blanche avec des lunettes en plastique sur le nez. Dans son bureau, elle fait beaucoup de veille afin de se tenir informée sur les questionnements et avancées dans son domaine. Elle expérimente aussi beaucoup, notamment en partenariat avec le Baby Lab de la maternité de Port-Royal à Paris.
Un projet qui a du sens
Elodie Hinnekens travaille à mi-temps à la Fondation Ellen Poidatz qui s’occupe d’enfants en situation de handicap. Si la jeune femme a postulé à la bourse L’Oréal, c’est pour mettre en place un projet qui lui tient à coeur : appliquer ses analyses à des enfants handicapés pour essayer de construire des méthodes de rééducation précoce. Cette bourse va lui permettre d’investir dans de petites électrodes qui serviront à bien évaluer l’activité musculaire chez les nourrissons.
Elodie soutiendra sa thèse en février ou mars 2021. Ensuite, elle aimerait partir dans un laboratoire à l’étranger, proche de ses sujets de recherche. L’Italie semble attirer la jeune chercheuse. À plus long terme, Elodie a pour projet de créer un mobile qui favorise la variabilité des mouvements pour encourager les bébés à bouger.
L’égalité dans la science : ça en est où ?
Comment ne pas évoquer une question cruciale et qui reste d’actualité : quelle place pour les femmes dans le monde scientifique ? Ce dernier est souvent vu comme un temple de masculinité, pourtant il n’en est rien et Elodie confesse :
Je crois qu’au quotidien je travaille avec autant de femmes que d’hommes. Je suis assez jeune, peut-être que les choses étaient moins égalitaires avant, mais cela semble avoir changé.
En effet, Elodie n’a pas 30 ans, mais elle s’est toujours sentie à sa place que ce soit en cours ou dans les laboratoires. La jeune femme a la sensation que les mentalités changent petit à petit. Mais un questionnement reste en suspens : le travail de chercheur demande du temps et les premières années ne sont pas forcément stables. Se lancer dans une vie de famille est complexe et pourtant les années passent… S’arrêter en plein vol pour avoir un enfant compromet la carrière d’une femme dans le monde de la science (comme ailleurs). L’horizon est donc un peu brouillé. Elodie voit cependant le récent allongement du congé paternité comme une excellente avancée vers l’égalité femmes-hommes. Cela rejoint aussi un sujet qui lui importe : la présence des parents dans les 1000 premiers jours de l’enfant.
Quand Elodie Hinnekens a appris qu’elle était lauréate, elle a eu beaucoup de mal à y croire, elle pensait même à un canular ! La jeune femme poursuit aujourd’hui son chemin avec l’espoir de devenir enseignante-chercheuse et de mener à bien ses projets. Des projets qui placent l’humain au centre de la réflexion, des projets au grand coeur et des projets qui, comme les bébés, finiront par marcher.
Le Prix Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO pour les Femmes et la Science
La Fondation L’Oréal, aux côtés de l’UNESCO, soutient chaque année de jeunes chercheuses dans le monde. En France, 20 doctorantes et 15 post-doctorantes sont récompensées par les membres du jury de sélection de l’Académie des sciences. Depuis sa création en 1998, le programme L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science a accompagné et mis en lumière plus de 3 000 femmes scientifiques.
Si les femmes représentent aujourd’hui 28 % des chercheurs, le plafond de verre reste particulièrement persistant dans le domaine de la recherche : près de 90 % des postes à responsabilités dans le secteur de la recherche sont occupés par des hommes.
Faire croitre la part des femmes en science est un véritable enjeu de société. Cette sous-représentation dépasse la simple question de l’égalité femme-homme car elle a un impact très concret sur la qualité de la recherche et sur l’innovation. On sait désormais que le manque de mixité dans la recherche médicale sur la santé des femmes, a notamment conduit à leur moins bonne prise en charge lors du développement de maladies cardiovasculaires. Aujourd’hui, le même constat est à faire du côté de l’intelligence artificielle, comme ces algorithmes qui reproduisent des stéréotypes de genre, car ils ont été conçus par et pour servir des hommes.