Sylvain Maurice est directeur du Théâtre de Sartrouville, où se montent les spectacles Odyssées en Yvelines, un festival théâtral pour l’enfance et la jeunesse. Quand il en parle, il donne envie de voir toutes les œuvres ! Voici la version longue de son interview.
C’est la 13e édition d’Odyssée en Yvelines, à travers les années le festival perdure et séduit. Comment l’expliquez-vous ?
Sylvain Maurice : L’adresse est à la jeunesse est un enjeu de société : nous faisons le pari de nous adresser aux jeunes spectateurs non seulement pour les divertir et les émouvoir, mais également pour ouvrir leur regard sur le monde et sur les enjeux auxquels ils sont seront confrontés bientôt comme adultes. C’est cette dimension tournée vers l’avenir qui explique en premier la longévité du festival.
Il y a une seconde raison : nous travaillons au plus près des partenaires départementaux, à tous les niveaux, en privilégiant la collaboration, dans une volonté de diversification sociologique (à l’image de notre département) : nous faisons un travail de terrain, et au bout de quelques années, j’ai l’impression que cela finit pas se savoir ! La rumeur semble bonne !
Quel est le message derrière ce festival ? De quoi êtes-vous le plus fier ?
S. M. : Le projet est de dire qu’il n’y a pas de séparation entre le spectacle et la vie. Le spectacle raconte la vie, avec ses joies et parfois ses peines. Donc en allant au théâtre, on permet de mieux se représenter ce qui nous constitue comme sujet, et comment nous interagissons dans le monde. Ainsi, s’il y a une petite fierté, c’est de proposer des outils sensibles pour parler d’aujourd’hui à la jeunesse, en alliant pragmatisme et ferveur.
Quel est le fil rouge de cette édition ?
S. M. : Pour cette 13e édition, je propose de revenir à l’origine du projet, à l’origine de l’Odyssée, en renouant avec ce geste inaugural d’Homère : un·e soliste se tient face public, et il/elle raconte, chante… ou danse. Il/elle contient dans son récit l’humanité entière, tous les personnages réels ou imaginaires, toutes les voix et les histoires possibles. Et son art émeut, fait rire, étonne, captive. Odyssées !
Ce nom évoque tout de suite un long voyage, plein de péripéties et d’épreuves. Et au pluriel qui plus est : Odyssées comme autant de promesses d’aventures de notre temps, petites ou grandes, triviales ou sublimes, banales ou héroïques.
Les spectacles se jouent dans des lieux très variés : comment sont-ils pensés pour être le plus hybrides possibles ?
S. M. : Les six spectacles vont voyager sur les routes des Yvelines, entre urbanité et campagne, pour être joués dans des bibliothèques, des salles de classe, des centres sociaux, des salles municipales, des centres culturels, etc. Ce sont des espaces où on ne peut pas faire le noir, et dans lesquels l’espace peut être restreint. Chaque artiste travaille donc avec des contraintes scéniques : l’aire de jeu ne peut excéder 4 mètres sur 4 au sol et 2,50 mètres sous plafond, le décor doit être monté en 2 heures maximum, et la totalité du matériel (scénographie, accessoires, costumes, son…) doit tenir dans un petit véhicule utilitaire.
La « petite forme » a pour ambition de créer de l’illusion théâtrale à travers et grâce à ces contraintes. Elle est autant une école du spectateur que de l’interprète : elle oblige l’artiste à formuler des solutions inédites, et lui permet de créer un vocabulaire original et singulier.
La petite forme est par conséquent une grande forme – non pas par la taille mais par l’ambition artistique.
Un des spectacles est accessible dès 4 ans. Comment capte-t-on l’attention des plus petits ? Que saisissent-ils à cet âge ?
S. M. : Pour cette tranche d’âge, la venue au spectacle est souvent une première fois. C’est donc un vrai défi ! Pour la deuxième édition consécutive, nous avons choisi de proposer aux plus jeunes un spectacle mêlant le théâtre et la danse. La chorégraphe Marion Lévy, qui créera en janvier 2022 Et si tu danses, s’est associée à l’autrice Mariette Navarro. Marion a souhaité que le texte et la narration aient une place importante, mais elle s’est aussi donné pour enjeu de trouver un langage spécifique qui rencontre les enfants à l’endroit où ils en sont dans leur propre construction : c’est l’âge de la découverte du corps, de la parole, des histoires, de l’imaginaire… et de questionnements parfois très profonds. Son spectacle sera également interactif, puisqu’elle invitera les enfants à « offrir » aux héros des gestes et des mouvements dansés, qui nourriront le récit et que l’interprète incorporera dans sa propre danse.
Ces spectacles voient le jour dans les Yvelines, continuent-ils leur chemin au-delà ?
S. M. : Oui, après les résidences de création artistique à l’automne et la tournée dans les Yvelines de janvier à mars 2022, les spectacles partent en tournée nationale.
Entre 200 et 220 représentations sont programmées chaque saison suivant le festival, dans toute la France, mais aussi en Belgique, en Suisse et parfois au-delà !
Le spectacle Frissons, créé en 2020 par Johanny Bert et Magali Mougel, a ainsi été adapté pour un public d’enfants new-yorkais dans une version numérique, en anglais.
Quel est votre meilleur souvenir lié au festival ?
S. M. : Il y en a tellement ! Mais à titre personnel, j’ai une tendresse particulière pour tous les spectacles d’Odyssées qui relient le théâtre et la musique. La plupart du temps, ce sont des œuvres qui sont particulièrement réussies.