À la découverte du martelage en forêt de Sonchamp

Dans les massifs forestiers, le martelage est une action indispensable pour la préservation de la biodiversité, de l’esthétique mais aussi des nécessités pratiques liées à la sylviculture. D’accord, mais le martelage, qu’est-ce que c’est ?

Jean-Michel Portier, forestier au département © Nicolas DUPREY / CD 78

Jean-Michel Portier, forestier au département © Nicolas DUPREY / CD 78

Le martelage est l’action qui consiste à marquer un arbre, selon une méthode spécifique, avant son abattage. Mais un arbre peut être marqué pour différentes raisons. Pourquoi marteler un arbre au lieu de l’abattre tout de suite ? Parce que ce sont les équipes de l’Office national des forêts (ONF), accompagnées par un forestier du Département lorsqu’il s’agit d’une forêt départementale, qui procèdent au choix des arbres à couper avant la mise aux enchères de la parcelle pour les exploitants qui achètent le bois sur pied.

Les agents de l’ONF, tout comme les forestiers départementaux, ont une vision très différente de la gestion des forêts au regard de celle des exploitants : il ne s’agit pas seulement de produire du bois – mission dévolue à l’ONF –, mais également de protéger l’environnement et d’accueillir le public, missions sur lesquelles le Département apporte son appui.

Vers des forêts résilientes

En matière de protection de l’environnement, la vision de la gestion forestière a évolué au cours des dernières années : les modifications climatiques, feux de forêt, infestations et maladies ont changé la donne. La transition écologique a eu lieu. Là où les coupes rases étaient monnaie courante il y a encore quelques années, les pratiques se modifient, désormais on cherche avant tout à favoriser la biodiversité afin de rendre les forêts plus résilientes. Pour ce faire, les forestiers ont recours à la méthode de la futaie irrégulière :  » c’est une méthode de sylviculture particulière où on va chercher à obtenir toutes les classes d’âge d’arbres sur une même parcelle, du stade de la régénération du semis jusqu’à l’arbre adulte qui peut aller jusqu’à 150 – 200 ans, voire plus « , explique Jean-Michel Portier, forestier au Département.

La futaie irrégulière permet d’éviter les coupes rases qui n’étaient pas satisfaisantes d’un point de vue écologique, Jean-Michel Portier, forestier au département.

Un agent départemental enregistre les spécificités d'un arbre bio © Nicolas DUPREY / CD 78

Un agent départemental enregistre les spécificités d’un arbre bio © Nicolas DUPREY / CD 78

Les cloisonnements

Dans la forêt de Plaisance à Sonchamp, Jean-Michel Portier et l’équipe de l’ONF entretiennent donc une parcelle selon la méthode de la futaie irrégulière. Mais aujourd’hui, ils ont une mission complémentaire : créer des voies pour la circulation des engins forestiers. « Un des facteurs très importants dans la futaie irrégulière c’est qu’on souhaite faire de la régénération naturelle des sols, qui doivent être protégés. Pour ça il faut éviter que les engins forestiers ne circulent dans tous les sens pour récolter le bois.

Donc au préalable on va ouvrir ce qu’on appelle des cloisonnements, ce sont des axes les plus rectilignes possibles qui vont traverser la forêt. Et ces axes-là devront obligatoirement être empruntés par les engins forestiers. »

Différents types de marquage

Les arbres sont donc marqués de différentes manières afin qu’ils puissent facilement être identifiés par les bûcherons. Un arbre à abattre sera marqué à la bombe de peinture rouge à hauteur d’homme, puis à la bombe rouge ou au marteau portant l’inscription « AF » – pour administration forestière – au plus bas du pied de l’arbre. Pour ce faire, il faudra avoir, à la hache, écorcé une petite partie de la souche afin de pouvoir y apposer le sceau ou la tache de peinture. Ainsi, une fois l’arbre coupé, les agents de l’ONF pourront vérifier que l’arbre avait bien été désigné pour être abattu. Car couper un arbre sans désignation préalable entraîne une amende.

Le marteau portant le sceau "AF" pour "Administration forestière" © Nicolas DUPREY / CD 78

Le marteau portant le sceau « AF » pour « Administration forestière » © Nicolas DUPREY / CD 78

« Là, quand on voit en bord de chemin, un arbre avec un chevron bleu numéroté, ça signifie que c’est l’entrée d’un cloisonnement. Et quand on avance dans le boisement on trouve des traits bleus horizontaux et verticaux. Les traits horizontaux correspondent à l’emprise du cloisonnement, du passage. Ces arbres-là ont vocation à rester. Ceux qui ont un trait vertical sont ceux qui doivent être martelés et enregistrés pour la coupe de bois car ils sont au milieu du passage. Tous les 24 mètres on va créer une ouverture dans la forêt pour la circulation des engins forestiers. »

D’autres types d’arbres sont aussi marqués. Ainsi les arbres bio – des arbres morts qui, encore debout ou couchés, représentent des habitats potentiels pour la faune et les insectes, et qui participent à la régénération des sols en se décomposant – sont marqués d’un triangle de couleur chamois. Un arbre remarquable (qui se démarque par ses dimensions ou par la rareté de l’essence) sera quant à lui marqué d’un triangle inversé, de couleur chamois avec un point en son centre. Ces méthodes permettent aux forestiers comme aux exploitants de mieux faire leur travail : les forestiers peuvent, de leur côté, mieux appliquer le code forestier. Quant aux exploitants, le marquage leur donne une vision plus claire des arbres qu’ils peuvent abattre, que ce soit pour la création d’un cloisonnement désigné au préalable ou pour une coupe simple.

Un agent de l'ONF mesure le diamètre du tronc d'un arbre remarquable © Nicolas DUPREY / CD 78

Un agent de l’ONF mesure le diamètre du tronc d’un arbre remarquable © Nicolas DUPREY / CD 78