Fleurs, abeilles, ruches… il y a au Liban tout ce qu’il faut pour produire et vendre du miel de qualité. La coopération entre les Yvelines et la région du Kesrouan-Ftouh a retenu l’idée d’un soutien à la filière apicole de cette région, pour contribuer à la dynamisation de l’activité économique en zone rurale et, de façon plus globale, sensibiliser le public aux risques environnementaux, l’abeille étant un bon indicateur de la façon dont humains et nature interagissent. Deux apiculteurs yvelinois se sont ainsi rendus au début du mois dans la région du Kesrouan pour le compte du Département des Yvelines. Linda PIWOWARCZYK, apicultrice basée à Bois d’Arcy et Jacky BOISSEAU de Plaisir, ont passé une semaine avec leurs homologues libanais à expliquer leur métier et partager leurs bonnes pratiques avec plus d’une centaine d’apiculteurs, professionnels ou amateurs. . Entre sensibilisation et ateliers de formation, les deux Yvelinois reviennent sur une « coopération de compétences ».
Quel était le but de votre déplacement ?
Jacky BOISSEAU: L’idée était de parler avec les Libanais de leurs problèmes en matière d’apiculture, et de leur présenter la façon dont, nous en France, nous cherchons à y faire face.
Quel est l’état des lieux de l’apiculture au Liban ?
J.B : Au Liban, l’apiculture se fait depuis la nuit des temps ; il y a du potentiel, il y a de la végétation, de la nature, les apiculteurs connaissent bien le métier, mais leur priorité, c’est uniquement la récolte du miel. De plus, la filière n’est pas contrôlée, il n’y a pas de traçabilité, pas d’organisation sanitaire comme chez nous ; c’est particulièrement désordonné, et si on ne régule pas correctement les pratiques, on va à la catastrophe. Nous voulions partager avec eux, notre organisation afin qu’ils puissent y trouver des idées pour mieux travailler.
Linda PIWOWARCZYK : Dans l’état actuel, j’avoue que j’hésiterais à manger leur miel ! Il y a trop de pesticides, trop d’herbicides, il n’y pas de traitements réguliers, les abeilles sont souvent en mauvaise santé… donc actuellement leur miel ne semble pas correspondre aux normes que nous appliquons ici, même s’il est fait avec la même passion que nous y mettons.
Comment avez-vous abordé ces questions délicates sans pour autant remettre en question le travail de ces apiculteurs libanais, sans bouleverser le modèle en place ?
J.B : Il était hors de question pour nous de se positionner en experts bien entendu, mais il nous a semblé important de miser sur la sensibilisation et la vulgarisation. Nous avons fait une petite initiation sur nos techniques de production, de récolte, nos matériaux, sur les risques liés à l’utilisation des molécules non contrôlées. Nous avons été sur du concret, notamment sur le choix des matériaux pour les ruches. Les Libanais utilisent les ruches Langstroth, qui ne m’apparaissent pas les plus adaptées. Ce type de matériel rend très complexes la prophylaxie, la maniabilité des colonies et donc le rendement. Nous leur avons proposé de passer aux ruches Dadant 10 cadres. Ce sont celles que nous utilisons en France et qui sont beaucoup plus performantes, que ce soit pour le nettoyage, le traitement, de l’anti-parasitage. Ensemble, nous avons travaillé au montage de ce type de ruche.
L.P: On a essayé de faire passer des messages, donner des conseils simples sur des pratiques basiques, comme par exemple utiliser de l’eau de javel pour nettoyer les ruches. C’est tout simple et pourtant, ils ont été surpris, car ils avaient à l’esprit que l’eau de javel était dangereuse pour les abeilles. On leur a dit que c’est le contraire, elles aiment ça.
La France et le Liban n’ont pas le même climat. Avez-vous tenu compte de l’environnement là-bas pour vos conseils ?
L.P : L’environnement n’est effectivement pas le même et ils n’en tiennent pas beaucoup compte. Notre objectif était aussi de faire en sorte qu’ils travaillent en fonction de ce que la nature leur propose. Cela vaut particulièrement pour le choix de la race d’abeilles. Nous leur avons conseillé de faire un élevage de reines locales, adaptées à leur climat comme nous faisons ici, avec l’abeille noire qui est l’abeille d’Ile-de-France. Il est indispensable de mettre en place un discours commun, un discours qui soit porteur de développement durable au Liban. Vous savez, Einstein disait que si les abeilles disparaissaient, il faudrait 4 ans à l’humanité pour s’éteindre. C’est peut-être exagéré, mais de nombreux rapports scientifiques aujourd’hui évoquent les conséquences potentiellement catastrophiques liées à la diminution alarmante des colonies d’abeilles dans le monde.
Il a donc été question de coopération de compétences et dans ce cas, le bénéfice se partage entre les deux parties. Qu’avez-vous tiré de cette expérience ?
J.B : Il est clair que les Libanais n’ont pas la diversité des produits que nous avons, mais ils ont énormément de produits que nous, Français ne connaissons pas. J’ai été étonné de voir jusqu’où ils étaient capables de valoriser le miel ; nous avons découvert certaines associations comme des chocolats fourrés au miel, du venin d’abeille lyophilisé, le pollen congelé… Je me suis empressé à mon retour d’aller partager cela avec des amis chocolatiers. L’idée semble avoir par exemple beaucoup attiré Lenôtre !
Quel est le bilan de cette mission ?
J.B : Nous avons porté finalement le même message qu’aux Yvelinois et Yvelinoises. Les enjeux sont les mêmes ici et là-bas et il n’y pas besoin de parler la même langue pour partager, échanger les expériences. Les apiculteurs libanais que nous avons rencontrés ont été ravis et souhaitent poursuivre cette coopération ; beaucoup nous ont dit vouloir venir dans nos ruches, voir comment nous travaillons au quotidien. Ce serait un plaisir de les recevoir.
L.P : Nous aimerions bien accueillir deux ou trois étudiants en stage pour toute une saison apicole et puis personnellement, je pense y retourner. J’ai été agréablement surprise par l’accueil, par la demande, la curiosité, la réceptivité des collègues là-bas. C’est une expérience très enrichissante. Cette mission m’a fait découvrir la coopération internationale des Yvelines et je compte bien m’y engager davantage. J’ai d’ailleurs gardé le contact avec plusieurs apiculteurs libanais et, en attendant de nous revoir, nous continuons à communiquer et à partager via internet.
Les Yvelines : partenaires du développement durable au Kesrouan-Ftouh
Outre la valorisation des produits du terroir comme le miel ou les pommes, le Département des Yvelines soutient le Kesrouan-Ftouh dans sa volonté de préserver ses espaces naturels menacés par l’extension urbaine de Beyrouth. Le partenariat Yvelines / Kesrouan repose donc également sur la valorisation du caractère rural de cette région à travers des programmes d’aide à l’aménagement de sentiers de randonnées, la lutte contre les incendies… Des projets concrets qui, en plus de favoriser la croissance économique, répondent aux enjeux du développement durable.