Le 20 juillet dernier disparaissait Claude Rich, l’un des derniers monstres sacrés du cinéma et du théâtre français, qui vivait depuis quelques années dans les Yvelines. En 2013, cet acteur simple et accessible nous avait reçu chez lui à Orgeval. Retour sur cette rencontre.

Claude Rich en 2013 © Christophe Taamourte

Malgré 60 ans de carrière, Claude Rich est resté le même. Authentique et passionné.
En 2013, lorsque nous l’avions rencontré, l’acteur avait 84 ans et les traits avaient vieilli bien sûr. Mais la verve était là et les yeux brillaient toujours autant dès lors qu’on lui remémorait son parcours.
« J’ai eu une chance incroyable, tempérait-il. J’ai joué tout le théâtre anglais, trois pièces à 600 représentations, tourné dans 75 films, côtoyé les Chabrol, Truffaut, Godard, Resnais ou Gui try, donné la réplique à Ventura, Blier, de Funès, Deneuve… Je n’aurais jamais imaginé cela à mes débuts ».

Lui, l’employé de banque qui suivait en parallèle des cours du soir chez Charles Dullin avant d’entrer au Conservatoire en 1949 (ndlr: ses camarades d’alors s’appellent Belmondo, Rochefort, Marielle, Cremer, Girardot), était devenu au fil des années ce comédien capable de jouer n’importe quel rôle tout en y ajoutant sa petite touche personnelle.

« J’ai toujours pris ce métier comme un jeu », assurait-t-il.

Prix du syndicat de la critique en 1971, César du meilleur acteur en 1993, César d’honneur en 2002, Brigadier d’honneur en 2008 pour l’ensemble de sa carrière théâtrale, l’homme au sourire tendre et espiègle a traversé les époques avec une aisance déconcertante.
De sa première apparition à l’écran dans « Les Grandes Manoeuvres » de René Clair en 1955 à son dernier rôle dans « Cherchez Hortense » de Pascal Bonitzer en 2012.
« Je ne me suis pas vu vieillir », concédait-il.
Le temps qui passe, la vie, la mort ; des thèmes qu’il évoquait sans détour:
« En 2012, j’ai perdu quatre amis proches et cela dégoûte un peu. Mais la mort ne m’effraie pas. Comme je suis très croyant, je reste persuadé qu’après cette vie, il y en aura une autre. Je suis un amoureux de la vie. »

Une vie qu’il a passée à Orgeval, dans une maison noyée dans 15000 m2 de terrain, achetée en 1957 et qu’il a agrandie au fil des cachets, devenant son refuge, son port d’attache. « C’est sa grande fierté », disait Célia, sa cuisinière, fidèle depuis des années. Ici, chaque pièce, chaque boiserie, chaque arbre a son histoire : l’escalier en colimaçon du salon chiné aux Puces, les pavés de la cour ramenés du tournage de « Paris brûle-t-il ? » en 1966, alors qu’ils allaient être jetés, le chêne planté il y a 50 ans…

D’une manière générale, il restait très attaché à Orgeval. C’est ici qu’il a épousé Catherine Rich en 1959 et vu grandir ses filles Delphine et Nathalie. Ses Yvelines à lui s’appelaient encore la Seine-et-Oise et bercent sa jeunesse. Versailles et le théâtre Montansier, où il a joué tant de fois, mais aussi Pontchartrain ou Neauphle-le-Vieux, où il est parti deux ans en pension pendant la Guerre.
« Je devais avoir 12 ans, se souvenait-il. Paradoxalement, j’y ai passé des moments merveilleux. Si j’ai fait du théâtre, c’est sans doute grâce à un professeur que j’ai connu là-bas. »

Claude Rich en cinq dates

• 1929: naissance le 8 février à Strasbourg.
• 1955: après 5 ans au Conservatoire aux côtés des Jean-Paul Belmondo, Jean Rochefort ou Jean-Pierre Marielle, il lance sa carrière cinématographique dans le film Les grandes Manoeuvres de René Clair.
• 1960: s’installe à Orgeval où il a acheté, trois ans plus tôt, une maison de campagne. C’est là qu’il se marie avec Catherine et élève ses deux filles, Delphine et Nathalie.
• 2002: reçoit un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. La distinction suprême pour celui qui fut également César du meilleur acteur en 1993 pour son rôle de Talleyrand dans Le Souper d’Edouard Molinaro.
• 2012:  joue au cinéma dans Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer puis tourne pendant quatre mois aux côtés de sa fille Delphine sur les planches dans L’Intrus d’Antoine Rault.