Au Centre hospitalier de Versailles, le docteur Jean-Pierre Bedos, chef du pôle CANDEUR (cardiologie, diabétologie-endocrinologie, neurologie, réanimation), a été en première ligne de la lutte contre le Covid-19. Il tira ainsi un constat sur cette maladie et sur ses différents aspects.
Quels sont les symptômes des patients qui sont admis au service de réanimation situé à l’hôpital Mignot du Centre hospitalier de Versailles?
Dr Jean-Pierre Bedos : En réanimation, nous recevons des patients qui sont en détresse respiratoire. C’est le symptôme le plus connu de cette maladie. Mais attention, nous n’accueillons que les détresses respiratoires avancées. C’est-à-dire que les patients respirent trop vite et qu’ils ont des signes de lutte respiratoire anormaux qui préjugent d’une aggravation assez rapide. Certains de nos patients sont emmenés directement par le Samu 78 mais généralement, ceux qui arrivent dans notre service proviennent des urgences ou alors des services de médecine. Au Centre hospitalier de Versailles, il y a des patients infectés par le Covid-19 mais qui présentent des difficultés minimes. Ces cas-là peuvent se dégrader et c’est à ce moment qu’ils sont transférés en réanimation. Ce sont vraiment des cas de détresse respiratoire gravissime qui nécessitent la mise sous ventilation artificielle. Il faut savoir que tous les patients amenés à l’hôpital pour un cas de Covid-19 ne passent pas en réanimation. Les proportions sont à peu près de 15% à 20%. Ce sont des chiffres globaux à l’échelle européenne.
Que se passe-t-il pour un patient qui est admis à l’hôpital pour un cas de Covid-19 ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Il y a plusieurs prises en charge possibles. Si le patient est déjà dans un état grave, il va directement être transféré en réanimation. Si ce n’est pas grave, notamment dans le cas où il s’agit d’une simple gêne respiratoire, il peut même s’isoler à son domicile une fois les examens nécessaires réalisés. Et il y a les malades dont les états sont intermédiaires, qui nécessitent un soin de médecine et qui sont donc admis à l’hôpital. Ils ont un débit d’oxygène faible et n’ont pas besoin d’aller en réanimation. La plupart n’iront même jamais. La grande majorité de ces patients va évoluer favorablement et repartir à domicile.
Comment évaluez-vous les différents cas décrits ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Nous jugeons avec une équipe multi-disciplinaires, c’est-à-dire des médecins réanimateurs, des médecins spécialistes de pneumologie ou de maladie infectieuse… On définit l’état actuel du malade et si il y a la nécessité ou non de le prendre en réanimation sur les critères de détresse respiratoire. C’est une maladie complexe car son impact n’est pas le même sur tous les patients. Certains ont des symptômes bénins, voire inexistants, tandis que d’autres présentent des formes aggravées de la maladie.
En cas d’envoi en réanimation, quel est le taux de guérison ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Au niveau mondial, c’est environ 50% de décès tous âges confondus, même si le risque est plus important lorsqu’on est âgé. En réanimation, ce sont parfois des traitements lourds, longs, et certains patients restent plus de 15 jours. Si l’on doit faire un constat pour le Centre hospitalier de Versailles, le taux de mortalité pour les patients COVID-19 admis en réanimation est d’environ 20%, ce qui signifie que de nombreux malades guérissent et rentrent chez eux.
Quelle est la situation actuelle au Centre hospitalier de Versailles ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Chez nous (à la date du 6 avril), nous avons près de 100 patients en médecine. Le nombre de lits dédiés à la réanimation a été fortement augmenté, comme dans tous les établissements de santé. Habituellement, nous avons en moyenne une vingtaine de lits, mais là on a dû en transformer alors qu’ils étaient dédiés à d’autres activités pour atteindre 51 lits de réanimation. C’est une organisation considérable qui a nécessité une logistique humaine et matérielle extrêmement compliquées afin d’assurer la prise en charge des patients, atteints ou non du COVID-19, en coordonnant des transferts de patients et d’activités avec tous nos établissements partenaires publics et privés. Tout ce qui tourne autour des équipements, mais aussi des outils et des vêtements pour le personnel soignant qui a fortement grimpé en effectif… Tout ça a été le fruit d’une réactivité exemplaire de l’hôpital. On a transformé les lieux en seulement huit jours, c’est extraordinaire. Je suis admiratif des moyens qui ont été mis à notre disposition par la direction. Des anciens de la réanimation, des infirmières d’autres services, ce sont au moins 15 personnes qui sont venues en renfort nous aider volontairement. Nous sommes environ un effectif de 115-120 personnes. Il ne faut d’ailleurs pas oublier les hôpitaux privés qui ont ouvert leurs portes sur le territoire. Quand il a fallu qu’ils répondent à la demande sanitaire, ils ont été là et ont joué leur rôle. C’est une gymnastique et un parcours du combattant du quotidien.
Avez-vous ressenti l’élan de solidarité ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Nous avons été aidés par des entreprises extérieures qui ont fait don d’équipements utiles à notre fonctionnement et la prise en charge des patients. C’est exceptionnel, tous les gens qui peuvent, par n’importe quel moyen aider notre hôpital, que ce soit matériel ou humain, sont présents. C’est pareil dans tous les autres hôpitaux je pense. C’est le bon côté de la nature humaine et c’est réjouissant et agréable de voir ça.
En tant que médecin et témoin, quels sont les conseils à donner à tous pour limiter la propagation du Covid-19 ?
Dr Jean-Pierre Bedos : Il faut que les gens restent confinés car il faut à tout prix qu’ils arrêtent de se contaminer. Plus il y a de contaminés, plus il va y avoir besoin de places dans les hôpitaux. Actuellement, à Versailles mais dans toute l’Ile-de-France, nous sommes au maximum de nos capacités. Rien qu’au Centre hospitalier de Versailles, nous avons dû transférer 9 patients en province, quatre à Rennes et cinq à Rouen, pour leur assurer une prise en charge adaptée. Pour éviter d’engorger le département des Yvelines, ces transferts sanitaires ont été la meilleure solution. En restant chez soi, on permet ainsi de casser la courbe ascendante de l’épidémie afin d’arriver sur ce qu’on appelle le plateau. Car il n’y a pas de pic, la situation va se stabiliser et va ensuite descendre. On commence à y arriver, mais il va encore falloir du temps pour s’en sortir. Ce qu’il faut surtout, c’est arrêter la transmission du virus, la majorité des gens malades va guérir et sera peut-être immunisée, mais ça va prendre encore quelques semaines.
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