Les Nabis sont à l’honneur dans l’agenda culturel français. Une grande exposition se tient jusqu’en juin 2019 au Musée du Luxembourg à Paris : « Les Nabis et le décor », ainsi qu’une rétrospective consacrée à Charles Filiger à la galerie Malingue à Paris. Le Musée départemental Maurice Denis prête des oeuvres pour ces deux expositions à ne pas manquer.
Le prêt d’oeuvres est fréquent dans le milieu de l’art. Les oeuvres voyagent d’un musée à un autre et parfois même entre les pays. Depuis son ouverture, le Musée départemental Maurice Denis a toujours prêté ses oeuvres. Que ce soit au Canada, en Allemagne ou en Italie, les tableaux, qu’importe leur taille, voyagent parfois même jusqu’au Japon, amateurs de longue date des Nabis. En 2018, la Réunion des Musées Nationaux organisait une exposition sur Paul Sérusier au Kazakhstan, pour laquelle quelques oeuvres de Maurice Denis ont fait le déplacement. Ces prêts permettent de diversifier les publics et de donner l’opportunité aux gens de voir, et d’admirer des oeuvres inédites.
C’est dans cette idée que le Musée Maurice Denis, actuellement fermé pour travaux, prête plusieurs de ses oeuvres pour diverses expositions parisiennes.
Maurice Denis à l’honneur au Musée du Luxembourg
Maurice Denis, peintre du 20ème siècle et théoricien du mouvement Nabi est au coeur de l’exposition « Les Nabis et le décor » au Musée du Luxembourg à Paris. Aux côtés de Bonnard et Vuillard, Maurice Denis était l’un des premiers à défendre un art en lien direct avec la vie et a permis au concept du « Beau » d’entrer dans la vie quotidienne.
Cette exposition est la première en France consacrée à l’art décoratif et ornemental des Nabis. Le Musée Maurice Denis, situé à Saint-Germain-en-Laye, prête trois oeuvres majeures pour cette exposition :
• Arabesques poétiques pour la décoration d’un plafond de Maurice Denis
• L’ensemble des panneaux de la salle à manger pour la galerie l’Art Nouveau de Paul Ranson
• L’ensemble de la Légende de Saint-Hubert de Maurice Denis
Ces oeuvres centrales dans le travail de l’artiste, sont habituellement présentées au Musée. Lors des travaux elles ont donc été décrochées spécialement pour partir au Musée du Luxembourg.
Ces oeuvres sont importantes et représentatives du courant artistique. La Légende de Saint-Hubert, par exemple, est composée de sept panneaux muraux de 225x175cm pour chaque panneau et 225x212cm pour le panneau central. Ces panneaux représentent une partie de chasse à cour, thème choisi par le Baron Cochin qui a lui-même passé commande à Maurice Denis. Cinq mois de travail plus tard, le peintre livre son oeuvre qui ornera le bureau du baron.
Ces panneaux sont tout à fait dans la mouvance Nabi : l’harmonie des formes, des couleurs, le mouvement… Si cette oeuvre paraît déjà imposante par sa taille, il faut savoir qu’un plafond de 485x134cm représentant trois anges la complète.
Jusqu’au 20 juin 2019, l’exposition réunit une centaine de peintures, dessins, estampes et objets d’art. Elle permet, pour la première fois, de présenter, dans un même lieu, des ensembles décoratifs qui sont aujourd’hui dispersés.
Toutes les oeuvres prêtées ne seront pas exposées à leur retour à Saint-Germain-en-Laye. En effet, l’ensemble de panneaux de Paul Ranson ne peuvent pas être exposés à la lumière trop longtemps et seront donc « au repos ». Au même titre, les oeuvres graphiques de Charles Filiger, qui sont actuellement à la galerie Malingue, étaient au repos en réserve en prévision de leur exposition. En effet ces oeuvres ne peuvent pas être exposées plus de 3 mois à 50 lux tous les trois ans. À leur retour au Musée Maurice Denis, ces oeuvres partiront en réserve pour plusieurs années. Fabienne Stahl, chargée de mission au Musée Maurice Denis, nous explique d’ailleurs que les oeuvres de ces « collections invisibles » seront présentées au public, à la réouverture du musée, via des tablettes numériques pour éviter de les abîmer.
Charles Filiger : le peintre maudit
À une autre échelle, mais tout aussi fascinante, la galerie Malingue, située dans le 8ème arrondissement parisien consacre une rétrospective à Charles Filiger. Peintre français de la fin du 19ème siècle, début du 20ème, largement influencé par le travail de Paul Gauguin, Charles Filiger est un artiste méconnu, associé au mouvement symboliste.
Le Musée départemental Maurice Denis a été l’un des premiers à s’intéresser sincèrement à l’oeuvre de Charles Filiger. Le musée conserve des pièces maîtresses du peintre et prête cinq oeuvres à la galerie pour l’exposition qui se tient en ce moment et jusqu’au 22 juin 2019 :
• Christ au tombeau
• La Légende la vie
• Notre-Dame du Bon Conseil
• Femme à la palme, bienheureuse Catherine
• Portrait de Remy de Gourmond
Le Musée Maurice Denis prête également un manuscrit précieux pour cette exposition.
Les oeuvres de Charles Filiger sont plus petites et moins imposantes que celles de Maurice Denis. Filiger laisse une production « peu abondante » d’environ 200 oeuvres selon les catalogues. Si sa production débute avec des peintures à l’huile, il se tourne rapidement vers des aquarelles ou bien des gouaches sur papier ou carton. Charles Filiger partage toutes les caractéristiques du Mouvement Nabi, mais il ne fait cependant pas partie du groupe.
Entre les primitifs italiens et les enlumineurs du Moyen-âge, Filiger trouve son style et peint des lignes souples, aériennes, et féminines sans toutefois échapper à la tradition classique.
Au début des années 1900, l’artiste est contraint de déménager très souvent, notamment en raison de son homosexualité très mal vue à l’époque. Il rompt également avec sa famille et ses amis : Charles Filier est un homme seul. Il s’éloigne en Bretagne où il est finalement retrouvé exsangue dans une rue, les poignets tailladés. Il meurt quelques jours plus tard à l’hôpital. Accident ? Meurtre ? Suicide ? Nul ne sait, le peintre aura vécu brièvement et presque tristement laissant derrière lui ses oeuvres en unique témoignage.
Le Musée Maurice Denis a le sens du partage
Ces expositions sont riches des prêts du musée Maurice Denis, qui a à coeur de rendre visible le travail des artistes. Comme nous vous en parlions à l’automne dernier, le Musée Maurice Denis, en collaboration avec les Archives départementales des Yvelines ont numérisé les 13 000 lettres de la correspondance de Maurice Denis. Dans ce fonds, nous pouvons notamment lire la correspondance que Charles Filiger entretenait avec sa nièce, Anne. Avec une simple connexion Internet, quiconque peut avoir accès à ces lettres, les étudier, les imprimer, les anoter… L’art à portée de main pour tous.
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