Le premier déplacement de Nicole Bristol en juin 2017, au cœur de la coopération décentralisée Yvelines-Afrique, marque le début effectif de l’engagement de l’élue de Montesson, pour des projets de développement en Afrique. La conseillère départementale, qui par ailleurs, s’est déjà distingué dans son approche sur l’aide au développement, revient sur son expérience in situ au Togo et au Benin.
Avant votre immersion, quelle vision aviez-vous, sur cette forme de coopération ?
Personnellement je n’étais pas réfractaire à l’aide au développement en Afrique ; je savais que le département était très investi dans la coopération décentralisée en Afrique, mais aussi au Liban, mais comme beaucoup de conseillers départementaux, ou d’yvelinois, je ne savais pas ce qu’il en était réellement.
Trouvez- vous utile d’y associer les conseillers départementaux ?
Pierre Bédier à une très bonne idée, de faire en sorte que tous les conseillers départementaux puissent à un moment donné, faire partie des délégations, aller sur le terrain et constater ce qu’est réellement cet échange avec les pays en voie de développement. Lorsqu’on en revient, on revient transformé et on mesure mieux l’utilité de la coopération décentralisée.
Comprenez- vous le fait que cette utilité soit souvent contestée, notamment par les yvelinois ?
C’est que les Yvelinois manquent sans doute d’information. En effet, ce qui est fait en coopération est directement dans leur intérêt : avec le réchauffement climatique, avec les tensions migratoires, c’est leur vie de demain qui sera transformée. Il faut agir maintenant, pour limiter les impacts du mal-développement et proposer de nouvelles voies de coopération. Le Lycée Technique d’Aného en est un bel exemple.
Le Lycée Technique d’Aného au Togo, réalisation du département des Yvelines a unanimement été salué par les autorités locales et nationales ; Vous l’avez constaté par vous-même, quels souvenirs en gardez-vous ?
Lorsque j’ai vu cette concrétisation, j’ai été particulièrement fière d’être yvelinoise, car j’ai réalisé à quel point l’appui du département a été important pour cette petite commune du Togo. Demain, ce sont des jeunes qui seront formés et qui pourront trouver un travail qualifié dans leur pays. Plus des deux-tiers des Africains ont moins de 25 ans ; n’a-t-on pas la possibilité de les aider à s’installer ? Et cela ne coûte presque rien, moins en tout cas que de construire des murailles ou gérer l’accueil de migrants sur notre territoire.
Effectivement, cette politique coûte environ un euro par an et par habitant.
Effectivement, 1 €, cela ne se ressent absolument pas dans notre dépense du quotidien. D’une manière ou d’une autre, on donne bien plus par an à droite et à gauche. 1 € ce n’est rien ; ce n’est même pas le prix d’un café, et pourtant c’est tellement utile ailleurs. Ce qui prouve bien qu’avec peu, on peut faire beaucoup et c’est d’autant plus significatif lorsqu’il s’agit d’éducation, de formation. Il n’y a rien de plus gratifiant que de contribuer à la formation de la jeunesse de demain, quel qu’en soit le lieu de vie.
Combien de projets avez-vous visité au Togo ?
En plus du Lycée Technique d’Aného, nous avons visité le projet du service public d’assainissement de cette commune.
Comment cela aide-t-il la population ?
Près de deux milliards d’habitant n’ont pas accès aux toilettes : vous imaginez tous les problèmes de santé publique et d’environnement que cela génère. Avec ce service fourni aux habitants, les gens peuvent avoir des toilettes chez eux à un prix abordable et les déchets sont utilisés pour nourrir les terres agricoles ; c’est de l’innovation en termes d’agriculture écologique.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre séjour ?
De façon évidente, c’est ce lycée technique. C’est un projet visible, concret et bénéfique pour tout un pays c’est quelque chose qui marque. Nous avons eu le plaisir de participer à la réunion du comité de développement du lycée, dans lequel siège les entreprises locales et cela a été particulièrement intéressant de voir cette relation directe entre le lycée technique et les entreprises locales, qui d’ailleurs, venaient chercher des stagiaires ou repérer de futurs collaborateurs. C’est de l’emploi qui se crée à partir de ce lycée technique financée par les Yvelines. C’était l’objectif de cette réalisation, c’est depuis, une réalité à Aného.
Le concret, c’est justement ce qui vous séduit sur cette forme de coopération ?
En effet ! C’est ce qui différencie la coopération décentralisée des Yvelines avec une coopération classique, c’est qu’au-delà de l’apport financier, il y a aussi un échange de compétences, de savoir-faire, de transfert de technologie, et l’aboutissement, c’est ces projets concrets qui aident le quotidien des populations. L’éducation est importante, l’assainissement aussi est important, et ce projet de lycée technique, pour la jeunesse c’est tout simplement extraordinaire.
Comment définir votre ‘’après Togo’’ ?
Ce voyage a complètement amélioré la vision que j’avais de la coopération et Olivier de La Faire et moi-même n’avions pas envie que notre expérience s’arrête à là ; nous avons décidé de continuer la démarche, de nous rendre utiles. Cela me semble tout à fait normal lorsqu’on est élu, de s’impliquer car c’est une coopération de collectivité à collectivité; nous aidons d’autres collectivités, c’est un lien original et très intéressant. Aujourd’hui, nous travaillons sur plusieurs petits projets.
La proximité est d’ailleurs l’une des principales qualités des collectivités en France, c’est ce que vous essayez de mettre en place avec ces autres collectivités hors de France ?
Effectivement, nous sommes au plus près des besoins des citoyens. Nous soutenons la gestion d’une autre collectivité. Sur le terrain, Olivier de La Faire et moi-même avons senti le rayonnement de notre département. Au Bénin et au Togo, jusqu’à l’Union européenne par exemple, nous avions rencontré le ministre de l’Agriculture, les ambassadeurs de France, l’ambassadeur de l’Union Européenne au Togo qui ont félicité notre département et Pierre Bédier, pour cette démarche.
Quels retours avez-vous eu surplace ?
Au Togo par exemple lorsque nous avons assisté au conseil d’administration au lycée d’Aného, il y avait des parents d’élèves présents ; j’ai vu des yeux briller, j’ai vu de l’espoir, j’ai vu des femmes et hommes fiers d’avoir leurs enfants dans une école dotée d’équipements de très haute technologie, profiter d’une formation structurée sur un modèle à la française avec l’avantage de bénéficier plus facilement de place de stage dans de grandes entreprises locales… c’est un tel bonheur qu’on ne peut que avoir envie de continuer, d’être davantage impliqué dans ce processus pour un monde avenir égalitaire en terme de développement.
Comment vous impliquez-vous aujourd’hui ?
Juste après mon retour, j’ai décidé d’intégrer la commission du Département qui s’occupe des relations avec les pays pauvres ; c’est un engagement vis-à-vis de la coopération, et je trouve ça génial.
Et au niveau de votre commune, Montesson ?
J’ai fait un petit livret qui résume un peu tout ce que nous avons vu et fait au Togo, et j’en distribué sur ma commune, à tous les maires adjoints, tous les conseillers municipaux.
Si vous décidiez aujourd’hui d’engager votre ville de Montesson dans la coopération, vers quel type de projet vous tourneriez vous ? Quel serait, selon vous, le besoin central ?
Clairement, ce serait soit un projet pour faciliter l’accès à l’eau, soit un projet sur l’éducation. Lorsque vous avez un réseau d’assainissement fiable, cela aide grandement au quotidien et l’éducation de la jeunesse, c’est l’avenir ; demain ce sont ces jeunes qui vont construire leur pays et lorsque le développement sera effectif partout dans le monde, on ne parlera peut-être plus d’immigration subie. Aujourd’hui en Afrique, il y a une jeunesse qui a beaucoup d’énergie, une jeunesse qui a beaucoup d’espoir, une jeunesse qui est prête à faire avancer les choses… ; leur apporter un petit soutien, c’est contribuer à cet avenir meilleur, et c’est ce que le département des Yvelines fait.
Quel est selon vous, l’horizon de la coopération décentralisée ?
J’espère qu’un jour, les pays en voie de développement auront atteint les standards internationaux, que nul n’aura plus besoin de s’expatrier pour le seul but d’aller chercher une vie meilleure ailleurs. Nous sommes conscients que cela ne peut se faire du jour au lendemain, nous n’avons pas de baguette magique, mais j’insiste pour dire que c’est possible, c’est un travail de tous les jours, c’est un investissement, mais il ne suffit pas de mettre de l’argent, il faut aussi y croire. Le département des Yvelines y croit, Pierre Bédier y croit et ce serait bien que tous les yvelinois et toutes les autres collectivités y croient également.
Aujourd’hui, quelle est votre meilleure définition de la coopération décentralisée ?
C’est d’abord une histoire entre personnes de bonne volonté, de relations humaines et je trouve magnifique que les élus yvelinois travaillent main dans la main avec leurs confrères, sans restriction de périmètre. C’est aussi, le soutien d’une collectivité au service d’autres collectivités, pour améliorer le quotidien des habitants chez nous et ailleurs, tout cela avec 1 euro.
Depuis votre retour, vous ne regardez plus à la pièce d’un euro de la même façon ?
Exactement ! Ça me fait sourire lorsque j’entends dire que ça coûte cher aux yvelinois. Un euro, c’est plus ou moins le prix d’une baguette et lorsqu’on voit ce que peut produire cet euro-là, moi je dis que tout le monde est gagnant, car si le reste du monde va bien, les Yvelines iront bien aussi.
Seriez-vous partante pour une nouvelle expérience in situ ?
Bien sûr, je pars demain s’il le faut. J’espère effectivement retourner rapidement sur le terrain. Aller au Togo et au Benin m’a permis de mesurer l’investissement du département, pour changer le quotidien des gens, et par ces voyages, mon quotidien à moi a également été changé car depuis, je vois et pense les choses différemment.