Samedi 20 septembre dernier s’est tenu le colloque « La France et l’Afrique, 70 ans après la conférence de Brazzaville », organisé par le Département des Yvelines, en partenariat avec la Fondation Charles De Gaulle. Ouverte par le représentant de l’Ambassadeur du Congo, cette manifestation s’inscrivait dans le cadre du programme « Congo Na Bisso » organisé en prélude aux 6e Assises « Yvelines, partenaires du développement », avec la République du Congo comme pays invité d’honneur. Elle était l’occasion de questionner l’histoire et de dresser les perspectives sur l’évolution des rapports entre la France et l’Afrique.
Le discours de Brazzaville, prononcé le 30 janvier 1944 par le Général De Gaulle, a constitué le point de départ d’une redéfinition politique des rapports entre la métropole et ses colonies qui mènera, une quinzaine d’années plus tard, à la création de la Communauté française puis aux indépendances. Cette volonté d’un rééquilibrage des rapports entre la France et ses dépendances africaines est d’abord le signe de la reconnaissance de l’effort de guerre accompli par les troupes africaines au sein des Forces françaises libres, comme l’a rappelé Vladimir Trouplin, Conservateur du Musée de l’Ordre national de la Libération, suite au ralliement précoce dès août 1940 des territoires de l’Afrique équatoriale française (AEF). Grâce à leur engagement, notamment au sein de la 2e DB du Général Leclerc, la France a pu prétendre au statut de puissance combattante, comme l’a résumé Gaston Monnerville : « Sans l’Empire, la France ne serait qu’un pays libéré. Grâce à son Empire, la France est un pays vainqueur ». Bien sûr, les résultats de la conférence de Brazzaville restaient prudents, fruit d’un compromis entre les revendications des populations administrées et l’administration coloniale, et les libertés supplémentaires qu’il est envisagé d’accorder aux colonies ne se conçoivent encore que dans le cadre d’une autonomie interne à l’Empire. Cependant, selon Frédéric Foggaci, chargé des recherches à la Fondation De Gaulle, ce discours de Brazzaville a été reçu avec soulagement et enthousiasme par la majorité des populations africaines concernées, et a pu être considéré comme une première « Charte » définissant des relations plus équitables entre la métropole et ses territoires d’Outre-mer.
Stéphane Gallet, Chef du pôle migrations et développement du Ministère des affaires étrangères, et Patrice Beitz, Vice-Président de la CCI Paris-Ile-de-France représentant la Conférence permanente des chambres africaines et francophones, sont revenus chacun avec leur vision sur l’affaiblissement des relations franco-africaines depuis les indépendances, sous le double effet d’une moindre appétence de l’Afrique pour la France et d’une volonté africaine de diversifier ses partenariats, avec l’apparition de nouveaux acteurs sur le continent comme les Etats-Unis, l’Allemagne ou les nouveaux pays émergents comme la Chine ou le Brésil. Stéphane Gallet a pu également mettre en avant l’originalité de l’approche française qui souhaite plaider en faveur d’une plus grande prise en compte des diasporas comme leviers d’influence et de développement, tandis que Jean-Pierre Marcelli, Directeur Afrique à l’Agence française de développement, a mis en avant les positions toujours fortes de l’Agence sur le continent, et les moyens de plus en plus conséquents et diversifiés mis en œuvre pour resserrer les liens avec les pays les plus pauvres en particulier : selon la feuille de route fixée par le Chef de l’Etat français, 20 milliards d’euros doivent être investis par l’AFD en Afrique d’ici 6 ans, ce qui représente un effort inégalé dans l’histoire de l’Agence.
Inventer une nouvelle relation entre la France et l’Afrique, alors que celle-ci décolle économiquement, ne pourra faire l’impasse sur une reconstruction des perceptions et des sentiments ambivalents qui existent entre ces deux territoires. L’écrivain togolais Sami Tchak est ainsi revenu sur le caractère souvent infantilisant et paternaliste des rapports entre France et Afrique francophone, et a appelé les Africains francophones à forger leurs propres mythes fondateurs et leurs propres références, en remettant leur histoire commune avec la France à sa juste place : ce n’est pas la France qui « les a fait », et qui est encore responsable de leur présent et de leur revenir. Une allocution à laquelle a fait écho celle de Jean-Marie Tétart, Député des Yvelines, qui de son côté a invité les Français à se débarrasser de leurs clichés et de leur vision « caricaturalement arriérée » de l’Afrique qui ne correspond plus à sa réalité d’aujourd’hui. Grâce au passé, il existe et il faut l’espérer, existera toujours un « besoin de France » et un « besoin d’Afrique », mais le passé et les complexes coloniaux de part et d’autre ne doivent plus servir de référence pour penser l’avenir.
Le colloque a été clôturé par Marc Fosseux, Secrétaire général de la Fondation Charles De Gaulle, chargé de lire le discours de Jacques Godfrain, Président de la Fondation, empêché. Le message que portait le discours du Président était sans ambiguïté : les collectivités locales sont les institutions les mieux placées pour faire le lien entre le Nord et le Sud, et les plus à même de rester fidèles à l’esprit du 18 juin et de la Conférence de Brazzaville.