166 jours. Depuis 166 jours, les français ne peuvent plus aller au théâtre. Mais que deviennent ces lieux lorsque leurs portes restent fermées ? Nous avons rencontré Geneviève Dichamp, la co-directrice du théâtre Montansier à Versailles.
La jeune Geneviève a 5 ans lorsque sa grand-mère l’emmène au théâtre. Cette première fois aura lieu au Montansier à Versailles. Geneviève Dichamp ressent encore cette vive émotion lorsqu’elle repense à ce moment. Y-a-t-elle pensé lorsqu’elle est devenue co-directrice du théâtre en 2018 ? Évidemment. Depuis, l’émotion et le plaisir sont quotidiens. Sur fond de crise sanitaire et culturelle, nous avons rencontré Geneviève Dichamp.
Quel est votre rapport avec le théâtre Montansier ?
C’est le premier théâtre où j’ai été dans ma vie. Je peux encore dire mon émotion lorsque je suis entrée dans la salle pour voir les « Fourberies de Scapin » de Molière. Ma vie a été guidée par cette fulgurance. Qu’importe ce que l’on vient y voir, cela reste beau. Le Montansier est un écrin, qu’importe le décor il y a toujours une émotion.
Comment vivez-vous la situation actuelle ?
C’est une situation que l’on vit mal car il y a un sentiment d’injustice : pourquoi les théâtres sont-ils considérés comme dangereux ? Nos protocoles étaient très précis. Nous n’avons pas vendu les premiers rangs pour éviter les risques, les spectateurs étaient masqués et séparés par groupes. Nous fonctionnions en demi-jauge.
Qu’est-ce qui est le plus difficile aujourd’hui ?
C’est l’attente ! Nous sommes sans date, c’est difficile. C’est l’absence d’horizon qui est terrible, de conditions de reprise. Nous restons optimistes au Montansier et nous annulons les représentations au fur et à mesure. Nous avons rouvert du 24 septembre au 16 octobre 2020. Seules 14 représentations ont été maintenues en un an. D’ordinaire nous faisons 120 levés de rideaux. Même pendant la guerre ou la Révolution : le Montansier était ouvert.
Comment restez-vous optimistes ?
Nous continuons à travailler les prochains spectacles. Certains ne verront jamais le jour, sont morts-nés, et il faut s’y faire, ce n’est pas facile. On se raccroche à ceux que l’on espère pouvoir présenter à notre public.
Pour tenir, nous faisons sortir le théâtre. Nous avons fait 233 interventions dans des établissements scolaires de la maternelle au lycée : ateliers, mimes, écriture, lecture de textes au programme du BAC, actions de lutte contre la radicalisation et l’antisémitisme (en partenariat avec la Préfecture). Nous avons rencontré près de 8 000 enfants scolarisés.
Cela nous permet également de faire travailler les comédiens et d’offrir aux jeunes un accès à la culture, absente de leurs vies. Je tiens beaucoup à ce que les enfants viennent au théâtre.
Comment s’organise la vie du théâtre malgré sa fermeture ?
Tout ce que coûte un théâtre de manière fixe est maintenu. On ne peut pas ne pas faire de contrôles car nous devons être prêts pour le jour de la réouverture qui peut arriver d’un moment à l’autre. Nous avons profité de cette période pour faire de grands ménages au théâtre, du rangement… Mais aujourd’hui nous n’avons plus rien à faire. Nous attendons la réouverture ! Cet été, la ville de Versailles va opérer quelques travaux dans le théâtre au niveau des balcons. Nous avons hâte de présenter le théâtre encore plus beau.
Comment appréhendez-vous la réouverture ?
Nous sommes prêts ! Nous sommes prêts à nous adapter dans la limite du raisonnable. On a les protocoles résiliants : on sait faire. Plus nous attendons, plus je me demande comment la vie va reprendre. Comment les gens vont reprendre le travail ? Comment allons-nous retrouver le rythme que nous avons totalement perdu ? Comment un comédien se remet au travail ? Un ingénieur à la console de son ? Nous allons vers des temps troublés mais je reste persuadée que la culture c’est essentiel, on ne peut pas s’en passer.
Aimeriez-vous faire passer un mot à vos (futurs) spectateurs ?
Nous les remercions sincèrement. Nous avons reçu beaucoup de lettres et messages de soutien. Nous pensons aussi beaucoup à eux et nous leur préparons une belle saison avec de belles créations, de beaux comédiens. La culture reste notre porte de sortie. Elle nous permet de devenir un individu qui tient debout, qui prend son autonomie et des décisions. Nous reviendrons.
Vous souhaitez en apprendre plus sur le Montansier ? Rendez-vous sur notre article dédié.