Il y a 118 ans naissait Théodore Monod, le 9 avril 1902 à Rouen. Et cette année 2020 marquera les 20 ans de sa disparition, à Versailles. Théodore Monod était un vrai savant. Un érudit. Un explorateur aussi et un humaniste. Et un amoureux des déserts, le plus grand spécialiste du Sahara.
« Le peu qu’on peut faire, le très peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion ».
En cette période de confinement, lire ou relire Théodore Monod est une promesse d’évasion, d’horizons, de voyage philosophique, initiatique ou contemplatif. On peut le lire par petites touches et penser longtemps à ses mots. Ce passionné du désert, le plus grand spécialiste du Sahara, était aussi un grand humaniste, un penseur, un théologien. Un homme d’une incroyable simplicité, quasi ascétique.
« La caravane, lentement, chemine; les hommes cramponnés à leur selle ne parlent plus. Bercée au pas égal et balancé de ta monture, tu t’abandonnes, mieux aimée, te laissant délicieusement pénétrer de l’universel embrasement… ».
Fils de pasteur protestant, il a baigné dans la religion et la réflexion théologique. Il se passionne pour tout ce que la nature offre, lisant insatiablement et alimentant ses rêves de découvertes. Devenu naturaliste et biologiste et toujours imprégné de théologie et d’humanisme, il dira que « Nous devons apprendre à respecter la vie sous toutes ses formes: il ne faut détruire sans raison aucune de ces herbes, aucune de ces fleurs, aucun de ces animaux qui sont tous, eux aussi, des créatures de Dieu. »
Très jeune donc, il découvre le Jardin des Plantes et la Ménagerie à Paris, sa vocation de naturaliste est née. Il avait 5 ans. Brillant élève à l’Ecole Alsacienne puis à la Sorbonne, il fonde à 16 ans une Société d’histoire naturelle dont André Gide sera adhérent. A seulement 19 ans, il est nommé naturaliste pour la croisière océanographique à bord du Mistral.
Puis à 20 ans, il fait un stage au prestigieux Museum national d’histoire naturelle pour qui il effectue une mission d’étude océanographique et de biologie marine sur les côtes africaines. Lors de cette expédition, il fait sa première méharée (expédition à dos de dromadaire) dans le désert. C’est le coup de foudre. Il arpentera les déserts et surtout, le Sahara, en connaissant la moindre dune, la moindre étoile. Cet espace alors méconnu, Théodore Monod lui a donné vie. Il en a fait connaître au monde entier ses richesses, ses beautés, ses secrets.
« Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui, et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence? »
Un pacifiste dans la guerre
Théodore vit en Afrique et se fond et se confond avec les immensités du Sahara qui le métamorphosent. Partout où ses expéditions le transportent, il recueille des échantillons de plantes, de minéraux. Il observe, dessine, inventorie ce qu’il découvre et transmet au Muséum d’histoire naturelle. Sa soif d’apprendre et de découvertes l’engage dans l’écriture de nombreux ouvrages. Savants et littéraires, poétiques. Le Sahara lui inspire plus de 1000 publications, toujours considérées comme des œuvres de référence.
Pacifiste dans l’âme, il fera quand même son service militaire dans une unité chamelière saharienne ce qui lui permet de poursuivre ses recherches.
En 1930, il épouse Olga Pickova (née le 12 janvier 1900 et décédée le 26 juillet 1980), une jeune juive d’origine tchèque avec qui il aura trois enfants : Cyrille, Béatrice, Ambroise.
En 1938, il s’installe avec sa famille à Dakar puis au Tchad. Il milite contre la collaboration de Vichy et le nazisme au travers de chroniques radiophoniques sur Radio-Dakar, entre octobre 1940 et 1941, qui ont été rassemblées dans le recueil « L’Hippopotame et le Philosophe ». Il y défend des positions fermement antiracistes, pacifistes et écologistes, qui seront censurées par le gouvernement de Vichy. Il anime un groupe lié à la France Libre et accueille le général De Gaulle en 1944. Mais son père, resté en France, meurt à la même époque et toute la famille de sa femme est déportée : il n’y aura aucun survivant.
En expédition jusqu’à la fin de sa vie
À l’âge de 91 ans, il repart une dernière fois dans la Majabat al Koubra pour une méharée : « Vu de l’extérieur, il ne paraissait pas extrêmement raisonnable, dirons-nous, qu’un voyage de ce type soit entrepris par un vieillard de quatre-vingt-onze ans et qui voit mal. Le dernier point est secondaire puisque les pieds sont encore valides mais ces pieds marchent de façon un peu ralentie ». Cette expédition se termina le 9 janvier 1994 à Ouadane et ce jour-là, Théodore Monod descendit pour la dernière fois de chameau.
Il a consacré la fin de sa vie à mettre en accord sa foi chrétienne et son combat humaniste pour la dignité humaine. Il a inlassablement protesté contre la bombe atomique, l’apartheid, l’exclusion. Il a milité contre tout ce qui, selon lui, menace ou dégrade l’homme : la guerre, la corrida, la chasse, l’alcool, le tabac, la violence faite aux humbles. Son credo : « le respect de la vie sous toutes ses formes. »
Ses publications
De 1916 à 2000, il a publié 1 881 volumes, synthèses, articles, mémoires, dont près de 700 consacrés aux sciences de la nature et il a récolté 20 671 échantillons au cours de ses voyages. A Lire chez Actes Sud : Méharées, pour vous évader dans votre canapé!
Deux genres et trente-cinq espèces végétales, huit genres et 130 espèces animales sont dédiés à Théodore Monod.
On peut entre autres retenir une fleur de la famille des gentianacées, la Monodiella flexuosa.
Il a appartenu au Rassemblement des opposants à la chasse et au comité d’honneur du Cercle national pour la défense de la vie, de la nature et de l’animal, fondé en 1985. Il a également été parrain de l’association pour la protection des animaux One Voice, qu’il soutient jusqu’à sa mort29.
Hommage d’Alain Souchon : La Vie Théodore