Une première conférence « Diaspora libanaise en Afrique » riche en débats s’est tenue aux Mureaux.

Larédaction

Le programme Yalla Yalla a débuté ce mardi 4 septembre à la Médiathèque des Mureaux avec  une première conférence sur le thème « La Diaspora libanaise en Afrique » réunissant près d’une quarantaine de personnes.

Organisée par le Département des Yvelines en collaboration avec la Ville des Mureaux et présidée par Saidou THIAM, Président du RACIVS, cette conférence a rapidement montré qu’elle semblait répondre à un véritable besoin de dialogue entre Africains et Libanais d’Afrique : si l’importance de la présence libanaise en Afrique est connue de tous, il reste que son histoire et sa contribution à l’économie des pays africains est mal connue et très subjectivement appréciée, et que les perceptions que les uns ont des autres sont fortement empruntes de clichés et de préjugés.

L’exposé de Papa Waly DANFAKHA, historien et Adjoint au Maire des Mureaux, a permis au public d’appréhender les grandes phases historiques de l’immigration libanaise en Afrique débutée à la fin du 19ème siècle,  qui s’est accrue dans les années 1920 poussée par le développement du commerce colonial (exploitation et exports de denrées telles que arachides, bananes …), jusqu’à une dernière vague à  la fin du 20ème siècle liée à la longue guerre civile qu’a connue le Liban. Selon que l’on compte toute la de

scendance de l’émigration libanaise, ou seulement ceux qui en ont conservé la nationalité, la diaspora libanaise est plus importante que la population du Liban, voire en représente le double.

Roger HANI, Président de la commission Europe de l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM), a ainsi identifié que sur 5 millions de personnes ayant la nationalité libanaise dans le monde, 1 million au moins vit sur le Continent africain, principalement au Nigéria, Sénégal, Côte d’Ivoire, Libéria et Sierra-Leone. Néanmoins cette diaspora n’est pas homogène culturellement ou socialement : si l’élite économique semble concentrer tous les regards, une partie de Libanais d’Afrique vit dans la précarité, et leur degré d’intégration dans les pays d’accueil varie en fonction de leur date d’arrivée. Si au Sénégal, on considère que cette diaspora en est à sa 4èmegénération et s’investit pleinement dans les responsabilités sociales et citoyennes, elle est beaucoup plus récente et presque « hors sol » dans des pays comme l’Angola. Un

proverbe libanais dit que « Ta patrie est là où tu réussis » : dans sa plus grande partie, la diaspora libanaise est parfaitement intégrée aux sociétés d’accueil, et se montrent fidèles et reconnaissants pour leur pays d’adoption, sans pour autant oublier leur culture libanaise.

Cette question de l’intégration fait débat. Parfois accusés d’être des « profiteurs », de « mauvais patrons » et de faire étalage de leurs richesses, les Libanais d’Afrique sont aussi vus comme des créateurs d’emplois tirant l’économie vers le haut, des entrepreneurs de haut vol, voire des « magiciens » capables de démultiplier les capitaux. Laurent de Saint-Perier, journaliste à Jeune Afrique, a alors fait un parallèle intéressant entre cette perception fantasmée que peuvent avoir les Africains sur ces Libanais, et celle qu’ont les Libanais du Liban sur leurs compatriotes résidant en Afrique. La similitude est frappante : mêmes criti

ques fondées sur une image déformée, et même manque de connaissances réelles sur les conditions de vie. Les « légendes » africaines connaissent ainsi un grand succès dans la société libanaise. 

Ces questions ont suscité de vifs débats avec le public, qui a pu témoigner d’incompréhensions relationnelles réelles entre Africains et Libanais d’Afrique, mais aussi de l’admiration pour leur réussite économique. Les discussions ont pu aboutir à une conclusion partagée : si certaines tensions apparaissent clairement entre certains groupes, il est abusif de considérer qu’elles seraient liées à une « nature humaine » proprement libanaise.

Comme souvent, les clichés et préjugés ne sont que des tentatives maladroites de rationaliser des écarts de revenus, de réseaux, de pouvoirs, à partir de critères facilement identifiables mais sans lien causal, comme la nationalité, l’origine, pour ne pas parler de la couleur de peau. De mauvais exemples viennent malheureusement toujours nourrir ces clichés et s’incruster dans l’imaginaire populaire : c’est là que Papa Waly Danfakha a eu le mérite de rappeler que les habitants des Mureaux, eux aussi, étaient fatigués de ne lire que des mauvaises nouvelles au sujet de leur ville, quand tant de réussites étaient passées sous silence.

Le débat continue le 17 septembre à Montigny-le-Bretonneux autour de la question « Les libanais de France : une intégration spécifique ? »