Chants des coqs, odeurs de purin…deviennent « patrimoine sensoriel »

SandrineGAYET

Le 21 janvier 2021, le Parlement a adopté un texte qui consacre le « patrimoine sensoriel » des campagnes, après un vote unanime du Sénat. Une loi destinée à atténuer les conflits judiciaires entre campagnards et néo-ruraux. Les sons et les odeurs inhérents aux espaces naturels ne pourront plus être dénoncés comme des nuisances.

tracteur

L’agriculture est un atout pour les Yvelines. Photo : Nicolas Duprey/CD78

Il y a déjà deux ans, nous évoquions le syndrome du NIMBY – Not In My BackYard (pas dans mon arrière-cour) ou en bon français, « partout sauf près de chez moi ».
Ce syndrome né dans les campagnes anglaises s’est répandu chez nous. Il a été importé par des familles qui fuyaient les tracas de la ville pour s’installer à la campagne et y profiter d’un agréable cadre de vie sans toutefois en accepter ce qui en fait le charme.
Ces dernières années, les maires ruraux, y compris dans les Yvelines, ont vu grandir les conflits de voisinage. Parce que le coq chantait trop tôt, parce que la mare aux grenouilles, trop bruyante, devait être bétonnée, parce que les moissonneuses ou les cigales faisaient trop de bruit, parce que les odeurs de l’étable indisposaient sans parler des meuglements qui agaçaient, parce que les cloches de l’église sonnaient trop souvent et trop forts…

Une charte de bon voisinage dans les Yvelines dès 2019

Signature charte de bon voisinage en octobre 2019 ©S.G/CD78

Les plaintes frisaient parfois le « grotesque ». Mais elles pourrissaient tellement les relations de voisinage qu’en octobre 2019, dans les Yvelines, il a fallu que soit signée une charte de « Bon Voisinage » afin d’apaiser les tensions entre habitants des zones rurales et agriculteurs et de favoriser le « bien vivre ensemble ».

La Chambre d’agriculture, la FDSEA, les Jeunes agriculteurs d’Ile-de-France, le Conseil départemental des Yvelines, la Préfecture et l’Union des Maires des Yvelines avaient alors signé cette charte.
Celle-ci a permis de mieux faire connaître les pratiques agricoles aux habitants des zones rurales, « tout en rappelant les engagements mutuels » des agriculteurs, des particuliers et des maires des communes rurales.
En effet, des conflits peuvent surgir entre habitants et professionnels du monde agricole. Ils sont souvent l’expression d’un manque de connaissance des pratiques agricoles et d’attentes divergentes.

La nouvelle loi protège la ruralité

Le texte porté par le député Pierre Morel-A-L’Huissier, introduit la notion de « patrimoine sensoriel » des campagnes dans le droit français.

Cela signifie que les cocoricos matinaux, les sonnailles, les coassements des grenouilles, les vrombissements des tracteurs, mais aussi les effluves de crottin de cheval ou d’étables… font désormais partie du code de l’environnement au nom du patrimoine commun.
Les sons et les odeurs inhérents aux espaces naturels ne pourront donc plus être dénoncés comme des nuisances.

Pour Pierre-Antoine Levi, le rapporteur du texte au Sénat :

Ce texte peut constituer un outil utile pour les élus locaux au quotidien pour les accompagner dans leurs démarches de pédagogie et de médiation et leur permettre de désamorcer en amont les contentieux.

Les maires ruraux restent prudents et ne veulent pas trop pointer du doigt les plaignants. En effet, l’arrivée de nouveaux habitants reste pour les villages une nécessité pour renouveler la population, garantir la survie d’une école, insuffler une dynamique…

Un maire rural yvelinois trouve cette loi « intéressante » mais pour lui, il faut surtout faire de la « pédagogie », encourager le dialogue, « inviter dans les fermes ceux qui arrivent de la ville pour leur montrer les réalités de la campagne ».