Les mares, des trésors de biodiversité

Sandrine GAYET

Cet article fait partie du dossier: Forêts des Yvelines, un bijou exceptionnel et fragile

Les mares font partie des habitats d’eau douce les plus vulnérables et les plus menacés. Pour sauver ces biotopes fragiles, le Département a lancé de nombreux chantiers de restauration, de remise en lumière. Pour permettre le retour de nombreuses espèces animales et végétales. Voire l’accueil de nouvelles espèces patrimoniales.

Des notes de menthe poivrée embaument l’air. Des canards sommeillent et des libellules bleutées effleurent l’eau.

A Bullion, les promeneurs qui s’engagent sur le chemin de Béchereau foulent des prairies humides, traversent des bois et découvrent des mares. Il y a encore peu, ces points d’eau douce étaient à peine visibles. Ensevelis sous des broussailles, colonisés par des ronces.

Maintenant, les mares sont remises en lumière avec toutefois des coins ombragés. Les plantes s’épanouissent selon l’humidité et la profondeur du site : lentilles d’eau, iris jaunes, saules, roseaux, nénuphars, renoncules, myriophylles…du coup, la faune elle aussi revient : grenouilles, crapauds, salamandres, tritons à crête, tritons palmés, coléoptères, crustacés et des oiseaux parfois migrateurs qui font une pause.

L’atmosphère est très zen mais riche en bruits produits par cette nature miniature. Ici, tout un monde bruisse, clapote et flotte.

Indispensables hier

Depuis une centaine d’années, les mares ont reflué de nos paysages et villages. Considérées comme des nids à moustiques, comme des « trous d’eau » glauques sans intérêt, elles ont été abandonnées et plus de 50% ont disparu. Et pourtant, explique Cyril Lamarre, technicien Espaces naturels, écologie et biodiversité au Département, les mares ont joué un rôle important dans les campagnes :

« La plupart ont été créées pour abreuver le bétail, irriguer les champs. Dans les villages, elles constituaient des réserves d’eau en cas d’incendie, des viviers à poissons…Mais avec les changements des pratiques agricoles et l’urbanisation, elles ont perdu de leur attrait. Et leur déclin a fait disparaître de nombreuses espèces».

Cyril a rejoint le Département des Yvelines pour travailler entre autre, à la renaissance des mares du territoire. Pour les cartographier, les restaurer si cela s’avère opportun pour l’environnement, y recenser les espèces végétales et animales qui y prospèrent. Ou qui seront amenées à y revenir, repousser, rejaillir.

« A travers sa politique Espaces Naturels Sensibles, le conseil départemental souhaite contribuer à la préservation des mares et de la biodiversité qui s’y trouve ».

Aujourd’hui, le monde redécouvre la richesse de ces petits biotopes discrets. La preuve, les mares ont toute leur place dans la mise en place de la Trame Bleue imposée par le Grenelle de l’Environnement.

Car en matière d’environnement, les mares jouent un rôle non négligeable. Elles freinent l’écoulement des eaux de pluie, ce qui limite l’érosion des sols. Les plantes  fonctionnent comme des filtres naturels, etc.

En France, 30% des espèces végétales remarquables et menacées vivent dans les milieux humides et environ 50% des espèces d’oiseaux dépendent de ces zones.

Remises en lumière aujourd’hui

Au titre de sa politique environnementale, le Département des Yvelines a acquis de nombreux Espaces Naturels Sensibles (ENS) hébergeant des milieux humides.

Parmi ceux-ci, figurent l’Etang du Bout du monde (commune d’Epône), Le Parc du Peuple de l’herbe (Carrières-sous-Poissy), le réseau de mares des forêts départementales de Pinceloup Saint Benoit (Clairefontaine), de Houlbran (Choisel) ou des Flambertins (Crespières). Les prairies humides sont présentes sur les ENS de Ronqueux (Bullion) et des Prés Bicheret (Châteaufort).

Les mares sont restaurées par curage et mises en lumière dans le but de favoriser l’apparition d’amphibiens et de libellules.

Cette mise en lumière peut se faire par le recul de la lisière boisée qui borde la mare ou encore par l’enlèvement des arbres et arbustes qui poussent dans la mare. Lors de travaux de mise en lumière, les déchets de coupe peuvent être dispersés aux abords. Branchages, vieilles souches et bois mort autour des mares forment en effet des refuges pour les amphibiens hors du milieu aquatique.

« Toutes les mares ne sont pas remises en lumière. Par endroits, les boisements qui se sont développés ont créé un habitat exceptionnel qu’il vaut mieux préserver tel quel. »

Quelques projets menés par le Département

  • la restauration de 5 mares à Houlbran : site très favorable aux Tritons crêtés (espèce protégée au niveau Européen).

Triton palmé mâle identifié grâce aux prospections à l’amphicapts ; photo : CD78 – 2021

  • La Butte du Hutrel : restauration de 5 mares
    Le site de la Butte du Hutrel est un lieu avec une biodiversité exceptionnelle sur une petite surface. Une étude datant de 2007 indiquait la fermeture des mares et la nécessité d’intervenir afin de les rouvrir (à la lumière). Les travaux sont réalisés dans le cadre d’un contrat Natura 2000 (en partenariat avec le Parc Naturel Régional du Vexin Français).

Des inventaires avant travaux sont en cours : 1er passage amphibiens et 1er passage amphicapts. A venir, un 2ème passage amphicapts et l’inventaire des libellules. Les travaux se feront sur deux années afin de limiter au maximum l’impact sur la faune locale.

  • Le Parc des Côtes Montbron : restauration de 2 mares.
    Acquisition de la nouvelle parcelle en 2020. Les 2 mares sont très refermées, en cours de colonisation par des ligneux et certaines berges sont peu favorables aux amphibiens car elles sont très pentues.

« Le but est de ramener de la lumière afin de rendre le milieu plus accueillant pour diverses espèces comme les tritons, des libellules et des plantes ».
L’inventaire écologique du site est en cours. Le 1er passage à l’amphicapt a été réalisé. Le second passage est prévu à la fin du mois d’avril 2021.

  • Ronqueux : Création d’une mare sous une ligne à haute tension.
    Parcelle sous une ligne haute tension en friche. Un secteur avec de l’eau stagnante a été identifié. La fermeture du milieu est en cours (colonisation par les ronces et les ligneux).

« L’idée est de créer un nouveau point d’eau favorable aux amphibiens, insectes, oiseaux et mammifères notamment dans un contexte avec des périodes estivales de plus en plus sèches ».

Les types de mare

  • Les mares de forêt : elles se caractérisent par un ombrage parfois important qui réduit le développement de la flore et de la faune
  • Les mares de prairie : elles servent souvent d’abreuvoir au bétail. Situées en milieux ouverts, elles bénéficient d’un bon ensoleillement, favorisant la présence d’une flore et d’une faune diversifiées.
  • Les mares d’habitation étaient autrefois utilisées comme lavoirs, abreuvoirs ou réservoirs d’eau pour les incendies. Elles se situent au centre des villages ou dans les fermes. Elles font partie du patrimoine culturel.
  • Les mares ornementales : se trouvent généralement dans les parcs et jardins publics ou privés. Leur fonction est purement esthétique. La végétation y est souvent peu diversifiée.
  • Les mares de route sont liées aux infrastructures routières. Elles ont le rôle de recueillir et d’épurer les eaux de ruissellement chargées en hydrocarbures. Elles attirent de nombreuses espèces animales et végétales.