Aujourd’hui, le Parasport est une question de santé publique

Nicolas Théodet

Cet article fait partie du dossier: Le Paralympisme dans les Yvelines

Le professeur François Genêt, administrateur du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) et fondateur de l’Institut de Santé Parasport Connecté répond à nos questions sur le Parasport et ses bienfaits.

Le parasport se développe, mais de nombreux freins. peuvent limiter sa pratique. ©CD78/N.Duprey

Comment se brosse le portrait de l’handisport aujourd’hui ?

Déjà on ne parle plus d’handisport. Désormais il faut parler de Parasport. En fait, la Fédération Français Handisport (FFH) a été créée par des médecins il y a longtemps. Elle était transversale, c’est-à-dire quelle concernait toutes les disciplines. Mais après les mauvais résultats de Rio 2016, le ministère des Sports a demandé en guise d’expérimentation, de sortir 14 disciplines de la FFH pour les attribuer aux disciplines valides. Le Judo, l’aviron, le tennis, le canoë-kayak pour ne citer qu’eux. Ces sports-là ne sont donc plus handisport car plus affiliés à la Fédération. Pour éviter les amalgames et ne pas exclure certains publics comme le sport adapté qui a sa propre fédération, on englobe l’ensemble des disciplines dans le terme Parasport. Cette notion est importante, notamment pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

Quel rôle joue le Parasport dans la société ?

Concernant sport et handicap, il faut dissocier la pratique classique et la haute performance. Cette dernière est absolument majeure bien évidemment pour l’éclairage quelle apporte. Mais l’enjeu n’est pas là. C’est avant tout un enjeu de santé publique. Plus le temps passe, plus l’espérance de vie des personnes en situation de handicap se rapproche de la population générale. Et il arrive quelque chose que le système de santé n’avait pas pu prévoir, c’est que les personnes en situation de handicap se retrouvent avec les mêmes facteurs de comorbidité que la population générale. Aujourd’hui on peut être paraplégique et âgé, être obèse, avoir du diabète et faire un infarctus. C’est dans ce contexte que la notion de sport santé entre en jeu.

Les personnes en situation de handicap veulent la même qualité de vie que tout le monde

Le professeur François Genêt, administrateur du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) et fondateur de l’Institut de Santé Parasport Connecté

La pratique du sport chez les personnes en situation de handicap existait pourtant avant ?

Avant, quand on faisait faire du sport à des personnes en situation de handicap, il s’agissait de prévention secondaire et tertiaire. C’est-à-dire dans un premier temps pour se reconstruire. Puis dans un deuxième temps pour éviter une récidive de la pathologie initiale. La notion primaire, c’est-à-dire dans un objectif de loisir, n’existait pas. Les hôpitaux ne sont d’ailleurs pas adaptés pour proposer des tests d’effort aux personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap veulent la même qualité de vie que tout le monde. En consultation, on voit des patients qui veulent monter le Kilimandjaro, faire du ski, faire du cheval… Quand on leur dit que ce n’est pas prévu, ils nous répondent, « qu’est-ce que vous attendez pour nous prévoir quelque chose ? ».  Nous sommes face à une population qui aspire à de grandes choses. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui intégré la notion de Parasport santé. Cela signifie protéger cette population et lui permettre d’accéder à ce dont elle a envie.

Quand on leur dit que ce n’est pas prévu, ils nous répondent, « qu’est-ce que vous attendez pour nous prévoir quelque chose ? »

Quels sont les freins existants à la pratique du Parasport ?

Tout le monde pense aux équipements et au maillage territorial. Mais selon nos études de l’Hôpital Raymond Poincaré de Garches, le premier frein, c’est avant tout le public concerné lui-même. Beaucoup de personnes en situation de handicap n’aimaient pas nécessairement le sport avant, donc pourquoi feraient-elles du sport après ? Cette population elle est comme nous tous. Le premier levier à utiliser, c’est avant tout la motivation. Le deuxième frein à la pratique, c’est la santé. La porte d’entrée pour la pratique du sport, c’est le certificat médical. Quelles activités je vais pouvoir pratiquer ? Quelle capacité physique je peux exploiter ? Une fois surmontée, c’est là qu’arrive le 3eme frein. Avec quelle technique et quel matériel ? Vient ensuite le maillage territorial. Où est-ce que je peux pratiquer ? C’est pour lever ces freins que nous créons avec le Département des Yvelines l’Institut de Santé Parasport Connecté (ISPC).

Mettre toutes les personnes en situation de handicap dans la capacité de faire du parasport

Trouver les équipements adaptés pour permettre la pratique du sport à tous est un enjeu de santé publique. ©CD78/N.Duprey

Qu’est-ce que le projet de l’Institut de l’ISPC ?

Dans le monde du handicap il y a une difficulté, c’est qu’on est face à un individu, pas face à un groupe homogène. Il y a les différentes pathologies, les différentes séquelles. On ne peut pas traiter de la même manière un handicap visuel, un handicap psychique, ou un paraplégique. On donne l’image de tout mettre dans le même panier, mais il n’y a pas de grandes règles, car nous sommes confrontés à des cas particuliers. Le projet de l’ISPC, c’est de bâtir une vaste base de données recensant le plus possible de caractéristiques de ces cas particuliers. Nous pourrons ensuite dégager des lois universelles du handicap pour fournir, sur ces fondements, des recommandations adaptées à chaque patient. L’objectif c’est de mettre toutes les personnes en situation de handicap dans la capacité de faire du sport.

L’objectif c’est de mettre toutes les personnes en situation de handicap dans la capacité de faire du sport.

Comment cela va-t-il se matérialiser ?

Un exemple, vous êtes un jeune paraplégique et vous jouez au tennis fauteuil sans conseil. À 40 ans, vous vous fusillez l’épaule dans la pratique. Et bien à 60 ans vous devenez l’équivalent d’un tétraplégique car vous ne pouvez plus vous transférer. Cette notion est très importante. Elle entraîne une perte de mobilité, perte d’autonomie, un surcout pour la société… Alors oui il faut faire du sport, mais le sport est aussi pathogène et actuellement, il n’y a aucune recommandation pour les personnes en situation de handicap. Là, la haute performance va être un pilote. Grâce à ses innovations, elle irriguera les pratiquants de parasport loisir. Il existe d’ailleurs une injustice que nous souhaitons corriger. Une personne qui utilise une prothèse pour marcher et aller au travail. Elle est totalement prise en charge par la solidarité nationale. Pourquoi aujourd’hui, la prothèse destinée à faire du sport n’est pas prise en charge aussi ? Nous sommes dans une démarche de santé public où le sport permettra de prévenir la maladie, de vivre plus longtemps. Ce qu’on souhaite faire avec l’ISPC, c’est faciliter la mise en capacité pour la pratique du parasport.